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21/12/2013

Nos frères corbeaux, avec Chimel-Georges Micberth

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Je marche dans la plaine picarde et j'ai froid au cœur. La brume jointoie le ciel et la boue. Je suis lourd et le choc mou de mes talons résonne dans ma nuque. Oppressé, je suis, par le bloc de béton armé que la vie, jour après jour, a coulé dans ma poitrine. Partout le futile, le nul, le désespérément salaud, la trahison. Mes frères corbeaux volent autour de ma tête et me tressent une couronne noire. (Chimel-Georges Micberth, La Lettre)

19/12/2013

Il ne peut y avoir de " société capitaliste " au sens véritable du terme. (2/2/

On comprend maintenant la terrible originalité du paradigme capitaliste, au règne duquel toutes les communautés du monde sont désormais invitées à se plier. L'intérêt égoïste, dans lequel l'Economie politique tend nécessairement à voir l'unique moteur rationnel des conduites humaines, est précisément la seule raison d'agir qui puisse jamais constituer par elle-même ce qu'on appelle depuis Nietzche, une valeur. Une valeur, en effet, (qu'il s'agisse de l'honneur, de l'amitié, du devoir, de la compassion, du dévouement à une œuvre ou à une communauté et, d'une façon générale, de toute forme de solidarité ou de civilité) est, par définition, ce au nom de quoi un sujet peut décider, quand les circonstances l'exigent, de sacrifier tout ou partie de ses intérêts, voire, dans certaines conditions, sa vie elle-même. En d'autres termes, la disposition de l'homme au sacrifice, au renoncement ou au don, est la condition majeure sous laquelle il peut conférer du sens à sa propre vie, autrement définie par les seuls codes de la biologie. Comme on sait, par ailleurs, qu'à la différence de l'animal, " l'homme ne naît pas en portant en lui le sens défini de sa vie " , on doit nécessairement en conclure qu'aucune société humaine n'est possible là où n'ont pas été imaginés et institués " les montages normatifs grâce auxquels les sujets des générations successives parviennent au statut d'humains

"C'est donc pour des raisons de structure qu'il n'existe pas, ni ne pourra jamais exister, de " société capitaliste " au sens véritable du terme. Ce serait là le nom d'une pure impossibilité anthropologique. Un système dont les conditions idéales de fonctionnement ne font appel, par définition, qu'à la logique de l'intérêt bien compris, est en effet dans l'impossibilité constitutive d'élaborer les signifiants-maîtres que toute communauté humaine requiert pour persévérer dans son être. De fait, le système capitaliste n'a pu être historiquement expérimenté au sein des sociétés occidentales, puis s'y développer de la manière que l'on sait, que parce qu'à chaque étape de son histoire, il a puisé les valeurs et les habitus qui lui étaient nécessaires dans tout un trésor de civilités - aussi bien anciennes que modernes - qu'il était lui-même, par nature, incapable d'édifier. Comme le rappelle avec raison Castoriadis, " le capitalisme n'a pu fonctionner que parce qu'il a hérité d'une série de types anthropologiques qu'il n'a pas crées et n'aurait pas pu créer lui-même : des juges incorruptibles, des fonctionnaires intègres et weberiens, des éducateurs qui se consacrent à leur vocation, des ouvriers qui ont un minimum de conscience professionnelle, etc. Ces types ne surgissent pas et ne peuvent pas surgir d'eux-mêmes, ils ont été crées dans des périodes historiques antérieures ".

Un système capitaliste n'est donc historiquement viable - et même, sous ce rapport, capable de généraliser à l'ensemble de la société certains des effets incontestablement émancipateurs de l'échange marchand - , que si les communautés où son règne est expérimenté sont suffisamment solides et vivantes pour contenir d'elles-mêmes les effets anthropologiquement destructeurs de l'Economie autonomisée. Si, en revanche, une puissance historique quelconque en venait réellement à proposer de ce système autre chose que des applications partielles et limitées ; si, en d'autres termes, l'hypothèse économique cessait d'être ce qu'elle était encore essentiellement jusqu'à présent, à savoir une ingénieuse utopie, alors l'humanité devait se préparer à affronter une vie innommable et des nuisances infinies.

L'histoire des trente dernières années est précisément celle des efforts prométhéens que déploient les nouvelles élites mondiales pour réaliser à n'importe quel prix cette société impossible. L'Enseignement de l'Ignorance - J.-C.Michéa

17/12/2013

Louison-Antoine sur Bitstrips : Louison-Antoine au Japon, partie 3 (désolé pour la coquille)

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15/12/2013

Il ne peut y avoir de " société capitaliste " au sens véritable du terme. (1/2

Le dispositif théorique de l'Economie politique repose sur une idée simple et ingénieuse : celle qu'il suffirait pour assurer automatiquement la Paix, la Prospérité et le Bonheur - trois rêves immémoriaux de l'humanité - d'abolir tout ce qui, dans les mœurs, les coutumes, les lois des sociétés existantes fait obstacle au jeu " naturel du Marché, c'est-à-dire son fonctionnement sans entraves ni temps morts. Pour étayer cette hypothèse, et formuler des " lois " qui aient la rigueur apparente des énoncés newtoniens, l'économiste est inévitablement conduit, d'une manière ou d'une autre, à décrire les hommes comme des " atomes sociaux " (ou des " monades "), indéfiniment mobiles et mus par une seule considération : celle de leur intérêt bien compris. La validité théorique et pratique de cette construction dépend donc, naturellement, de la propension réelle des individus à fonctionner comme la théorie l'exige, c'est-à-dire de façon effectivement nomade et atomisée. C'est pourquoi la mise en œuvre de l'économie libérale ( il s'agit d'un pléonasme ) ne suppose pas seulement l'institution, à première vue paradoxale, d'une autorité politique suffisamment puissante pour briser impitoyablement tous les obstacles que la religion, le droit et la coutume opposent au " désenchâssement " du marché et à son unification sans frontière. Elle demande encore qu'on donne une existence pratique à la forme anthropologique correspondante : celle de l'individu entièrement " rationnel ", c'est-à-dire égoïste et calculateur et, à ce titre, libéré des " préjugés ", " superstitions " ou " archaïsmes " qu'engendrent nécessairement - selon l'hypothèse libérale - toutes les espèces empiriquement existantes de filiation, d'appartenance ou d'enracinement.

Comme on peut le constater, le projet de la " science " économique - c'est-à-dire, en fait, selon l'expression de Paul Lafargue, de la Religion du Capital - n'est donc pas séparable des représentations modernes de la raison comme instrument privilégié du calcul égoïste, autrement dit comme autorité naturelle capable d'éclairer le sujet sur son " utile propre " (Spinoza) et d'ordonner à son profit le tumulte des passions. C'est cette idée philosophique - bien différente du " Logos " antique - qui permet, par exemple, de comprendre l'inquiétante remarque de Hume selon laquelle " il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure à mon doigt ". Elle explique également pourquoi Engels a pu voir dans le triomphe de cette raison le " règne idéalisé de la bourgeoisie ".  (L'Enseignement de l'Ignorance - J.-C.Michéa)

13/12/2013

Louison-Antoine sur Bitstrips : Louison-Antoine au Japon, partie 2

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12/12/2013

Sur les sexes interchangeables

amiti%C3%A9-homme-femme.jpgSi je comprends bien, il faut maintenant, dans les crèches et les maternelles, sensibiliser les minotes à la possibilité, pour elles, de jouer aux petits soldats et les minots à la poupée.
Donc si je continue d'essayer de comprendre, il est malsain, dans une société, que les minotes ne jouent
qu'à la poupée et les minots qu'aux petits soldats. Par contre, n'est-il pas idéalement regrettable de jouer aux petits soldats dans le sens où il s'agit alors de jouer à tuer son voisin ?
Idéalement, il y en a donc qui veulent l'interchangeabilité des sexes et d'autres un monde sans
armes de guerre. Suis-je à présent un fasciste si je me méfie énormément de la première chose et si
j'aimerais profondément la deuxième ? Un monde plus beau ne sera donc pas celui sans guerre mais celui où il y aura toujours des guerres mais faites par des femmes. En ce sens, l'oligarchie qui nous gouverne peut bel et bien affirmer que la femme est l'avenir de l'homme (mais quel avenir...). La démilitarisation progressive du Monde ? Pas important... Louison-Antoine

10/12/2013

Louison-Antoine sur Bitstrips : Louison-Antoine au Japon, partie 1

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09/12/2013

L'anarchisme conservateur de J.-C.Michéa

Le complexe d’Orphée définit l’imaginaire de la gauche progressiste dans la mesure ou Orphée, pour ramener Eurydice des enfers, avait dû s’engager à aller toujours de l’avant sans jamais s’autoriser le moindre regard en arrière - Ce que Bailly appelle l’effet « cliquet » en matière d’acquis sociaux – De même les socialistes marxistes sont persuadés qu’il y a un mystérieux sens de l’histoire porté par le développement inexorable des techniques vers un avenir radieux… et qu’il est impossible qu’ils aient abandonné derrière eux quelque-chose qui était correct !...

Michéa préconise d’abandonner l’utopie Marxiste (c’est à dire l’idéalisme scientifique) au profit du « roc » de Mauss (C’est à dire des rapports humains structurés autour du trépied : donner, recevoir et rendre). Roc qu’Orwell appelle maintenant « décence commune » et dont le retour constitue un véritable anarchisme conservateur, réclamant l’ancrage dans des structures de réciprocité que le développement illimité du marché et du droit menace de détruire peu à peu. Cet anarchisme conservateur se situe à égale distance entre les blancs (capitalisme) et les rouges (Collectivisme) mais il a été balayé en 1980 lorsque s’est imposé partout l’idée que toute tentative de rupture avec le capitalisme ne pouvait que conduire au totalitarisme et au goulag. La gauche originelle qui aurait dû incarner l’anarchisme conservateur s’est alors perdue avec l’idéologie « ni réaction, ni révolution » et en fabriquant un antagonisme électoral artificiel en son sein (libéralisme économique de Tocqueville d’un coté et gauche antiraciste et citoyenne de l’autre). Antagonisme venu remplacer l’ancienne scission entre royalistes (Blancs) et prolétariat (Rouge). La couleur rose étant la traduction parfaite du nouvel antagonisme interne qui est venu affaiblir le « parti du mouvement » né au XIXème siècle.  Parallèlement le libéralisme, qui n’était qu’une doctrine des limites qu’il convenait d’imposer à l’emprise de l’Etat et de l’Eglise pour ramener la balle au centre, s’est mis à récuser les critères de bon sens qui permettent de distinguer une action honnête d’une action malhonnête ; et cela sous prétexte qu’il s’agit de pures construction arbitraires. Incapable de définir par lui-même ses propres limites, il a accepté l’extension illimitée du droit de chacun à satisfaire ses lubies personnelles et laissé saper tous les fondements symboliques et pratiques de la vie en commun.

L’épuisement des ressources naturelles et les guerres qui vont avec sont-elles au bout du chemin ?

Mais qui, actuellement, est capable d’incarner un socialisme anarchiste et conservateur prêt à remettre le « roc » de Mauss au centre de la communauté ?.

dominiquequenin.over-blog.com - 5 octobre 2011

07/12/2013

Ma réaction sur la mort de Nelson Mandela

vol_553.jpgHalte à l'idéalisation de Nelson Mandela ! La situation du pays sud-africain est loin d'être rose aujourd'hui. Et si l'apartheid racial avait laissé place à un apartheid social ?
D'où notamment l'article que je mets en lien à la fin, dont je ne porte pas spécialement l'auteur dans mon cœur mais, pour autant, les chiffres sont ce qu'ils sont...
Seulement voilà, le monde médiatico-politique s'extasie beaucoup plus sur les questions raciales que sur celles sociales. Pour quelle raison vouer ainsi un culte à la question raciale ? Discrimination négative ou positive reste, pour moi, discrimination. Question raciale omniprésente afin de mieux s'assurer, pour ceux qui nous gouvernent, la conservation de leur pouvoir. Il faut qu'à tout prix le conflit riches/pauvres soit occulté par, par exemple, celui noir/blanc.
Je resterai plus marqué par la mort d'un Hugo Chavez qui - sur le plan social, éducatif mais également géopolitique - a réalisé des avancées considérables au Venezuela par rapport à Mandela et ses successeurs.
Autre exemple : comment expliquer que la troisième personnalité historique préférée des Italiens soit Mussolini ? Sauf qu'oser simplement s'intéresser au progrès social que le régime fasciste a pu permettre est déjà suspect. N'oublions pas que l'histoire est écrite par les vainqueurs, jamais par les vaincus.
La question raciale doit reste alors majeure. Même si, en l'occurrence en Italie, les lois racistes sont nées quinze ans après les débuts du fascisme et qu'en proportion les Italiens ont cherché à protéger davantage de potentiels déportés que les Français. Mais encore une fois, mes propos seront suspects !
Et l'arrivée du nazisme ne se fait-elle pas sur une crise sociale en Allemagne ? Combien a-t-il existé de théories racistes dans l'histoire qui seraient arrivées au pouvoir ? Pas besoin de théories, cependant, pour qu'il y ait eu l'existence de la traite des Noirs qui a duré des dizaines d'années.
Évidemment, alors, qu'un Martin Luther King, comme Mandela à sa manière, fut nécessaire.
Mais en effet, il existe toujours le risque qu'un ultra-riche (tel Rothschild avec Hitler) finance des politiques racistes. C'est vrai, parmi les profiteurs, il existe des racistes purs et durs.
Maintenant, la pauvreté n'a pas de couleur ou, plutôt, est multicolore. Mais combien de "grands politiques" souhaitent réellement l'éradiquer ? Louison-Antoine

http://www.bvoltaire.fr/bernardlugan/nelson-mandela-quel-...

05/12/2013

L'Anarque selon Chimel Onfray, extrait 2

"Tragique, lucide et aristocrate, l’anarque n’a cure des ors et des brocarts ; le marbre des palais, le stuc des cabinets de ministres lui importent peu. Le Prince peut tout aussi bien être son familier que son ennemi, il peut lui parler, lui battre froid, le conseiller ou le critiquer ; à l’égard de celui-là, il en va comme des autres, il s’agit de préserver son indépendance, de garder farouchement sa liberté. Pour exprimer de façon plus concise sa figure, Jünger écrit que l’anarque est à l’anarchiste ce que le monarque est au monarchiste." (Chimel Onfray, La Sculpture de Soi)

03/12/2013

François Mitterrand, vu par Chimel-Georges Micberth

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[Sur François Mitterrand] J'ai honte de son physique de prélat pervers ou de gluant florentin, de ses manières onctueuses de sodomite incontinent, de sa posture de potiche peinturlurée ou de momie enclosée derrière une vitrine sale, de sa dialectique qui évoque les momeries d'un tribun de sous-préfecture, de toute la détestable médiocrité qui se dégage de son image télévisée et qui fait penser au "parrain" d'une quelconque association de malfaiteurs. (Chimel-Georges Micberth, Petite Somme contre les Gentils)

28/11/2013

Le bestiaire de Blade Runner (2/2)

damelalicorne.jpgQuatre animaux apparaissent dans Blade Runner : une chouette, un serpent, une colombe, une licorne. Les deux premiers sont des postiches d'êtres originaux que même le plus fortuné membre de la société ne pourrait s'offrir. Quand Deckard demande à Rachel si la chouette est artificielle, elle lui répond que c'est l'évidence même.

Selon Hegel, la chouette, symbole de la philosophie, ne prend son envol que la nuit tombée. La philosophie, nocturne, n'intervient qu'après le labeur de la journée passée. La production de la corporation Tyrell cède alors la place à la mise en question des artefacts par eux-mêmes. Ceux-ci furent d'abord fabriqués, la question éthique de leurs droits et devoirs n'intervient que trop tard, après coup, sans qu'une correction ou modification ne soit possible. Aucun amendement ne peut venir doubler la singularité de la réalité créée.

La danseuse Zhora use d'un serpent, animal dont la lourde charge symbolique chrétienne ne nécessite pas ici d'explication tant il est prégnant dans la culture occidental. Zhora figure comme une sorte de Salomée doublée de l'attribut d'Ève. Elle danse, chassée du paradis, et souhaite la décollation de Deckard. Son serpent est marqué d'un signe d'appartenance, l'animal est un artefact, produit déposé par l'ingénieur qui l'a conçu. Les vivants machiniques sont donc autant acquisitions de leur possesseur que propriété intellectuelle de leur créateur.

La colombe qui s'échappe des mains de Roy parvenu à la fin de son existence fait partie des symboles éminemment chrétiens qu'entretien Ridley Scott dans chacun de ses films, à l'instar de la croix portée par l'anthropologue de Prometheus. Sa symbolique de la paix et de la réconciliation clôt la confrontation de Deckard et de Roy qui vient de le sauver. D'autre part, son envolée verticale est métaphore ambigüe de la possibilité d'une âme. Elle vient donc perturber la conception matérielle du corps de l'Homme-Machine. Roy n'est-il que rouages dont la mécanique cassée achève l'existence ou dispose-t-il d'un supplément volatile s'échappant du corps ? Atomisme abdéritain contre dualisme chrétien. Ridley Scott exacerbe le questionnement en le contenant dans l'ambivalence des hypothèses. Mais les colombes sont aussi d'étranges rescapés d'un monde où l'animal a disparu. Les toits des immeubles semblent encore contenir la présence d'êtres qui ne sont pas artificiels, ce qui contraste paradoxalement avec le monde dénaturé de Blade Runner. Au final, la probabilité de leur existence au sein du monde décrit dans le film a autant de crédit que celle des licornes.

Animal-Nature, Animal-Machine, la possibilité de ces deux existants implique aussi la question de l'Animal fantasmé, animal merveilleux, animal mythologique. La licorne, celle qui apparaît lors d'une courte chevauchée, celle aussi que ramasse Deckard. Croisement entre le cheval et la chèvre, l'unicorne est déjà présente chez Ridley Scott dans son film Legend. Cet animal légendaire, connu depuis l'antiquité en orient et en occident, vécut son heure de gloire durant le Moyen Âge à travers le fabuleux bestiaire des tapisseries. Sa préciosité conduisit certains hommes au commerce de sa corne (corne du narval) et à des tentatives de croisements entre animaux. Elle symbolise ainsi la création artificielle d'êtres nouveaux à partir d'êtres originaux, la mutation génétique, la procréation par croisements, l'hybridation. Sa corne torsadée est reconnue comme symbole de non-dualité, de fusion des contraires. Elle réconcilie ainsi L'Homme-Machine et l'Homme-Nature. Mais aussi, selon Jacques de Voragine, « la licorne est la figure de la mort, qui poursuit l'homme sans cesse et qui aspire à le prendre ». Deckard ramasse un origami-signe déposé par Gaff devant la porte de l'ascenseur, promesse menaçante de la traque dont Rachael et lui sont victimes. http://pourquoirien.blogspot.fr - août 2013

25/11/2013

L'Anarque selon Chimel Onfray, extrait 1

"L’excès idéologique agit chez l’[anarque] comme un repoussoir, [il] n’a de souci que de préserver son indépendance d’esprit. Aussi devient-il une proie impossible à saisir par les puissants dont les armes n’atteignent jamais la quintessence d’un être, là où il est le plus riche et le plus indéfectiblement libre. Ce qui réduit l’homme du commun n’a aucune prise sur l’exception : tous veulent régner sur les autres et aspirent au pouvoir sur autrui. Leur donner ces possibilités d’exercer leur volonté de domination, c’est ravir leur indépendance. Ils paient de leur liberté la capacité à exprimer le vouloir d’un autre. Âme d’esclave, destin et aspiration de presque tous les contemporains. Or, l’anarque n’est intéressé que par le pouvoir exercé sur lui-même et ne veut régner que sur son énergie propre. D’où son mépris des jeux pratiqués par les autres – ceux qui ne s’appartiennent pas mais voudraient réduire le monde à leur caprice." (Chimel Onfray, La Sculpture de Soi)

23/11/2013

Le bestiaire de Blade Runner (1/2)

Blade_Runner_Slides_1_Neuron_Syndicate.jpgUne problématique de l'essence des Hommes-Machines s'accompagne inévitablement d'une interrogation sur le statut ontologique des animaux. On se souvient de la position cartésienne voulant que les animaux soient dénués de pensées et de conscience, automates composés uniquement de rouages mécaniques déterminant leur comportement et leurs capacités. La Mettrie radicalisa les vues de Descartes en pronostiquant que l'homme lui même est conforme à ce type de modèle et que pensée et conscience sont elles aussi d'origine purement mécanique : naissance de l'Homme-Machine.

Dans Blade Runner, l'Homme-Machine se distingue métaphysiquement de l'Homme-Nature sans être jamais assimilé à celui-ci. L'Androïde n'est pas envisagé en tant que maillon suivant d'une chaîne humaine évolutive. Un fossé ontologique les sépare. L'Homme-Nature se distingue de sa création non seulement par sa position de démiurge, mais aussi parce qu'il possède une originalité, par son modèle génétique inaltéré, qui lui assure un statut ontologique supérieur et conséquemment des droits supplémentaires. Dans les films de Ridley Scott, l'homme-machine, s'il possède des capacités physiques et intellectuelles supérieures à l'homme n'en constitue pas moins un archétype déchu d'un modèle original, donc une forme frelatée dans la hiérarchie ontologique des êtres. Nous avons déjà insisté ailleurs sur le platonisme génétique qui parcourt la pensée de Ridley Scott. Les androïdes jouent le rôle de robots (le travail qui est destiné aux Nexus 6 dans les colonies de l'espace), de machines pensantes (Roy déclamant de la poésie et posant des questions métaphysiques), de pantins et joujoux affectueux (les amis enthousiastes de J.-F Sebastian), de mannequins de vitrines (Zhora sous le feu de Deckard).

L'Homme-Nature est une espèce en voie de disparition. Les appartements jouxtant celui de J.F Sebastian sont vidés de leurs occupants, partis à l'aventure dans d'improbables colonies de l'espace. Les quelques humains qui ne se sont pas encore envolés se distinguent des humanoïdes par la nécessité de porter des prothèses (lunettes) ou par leurs défauts phénotypiques (vieillissement, maladies). Ils partagent avec les animaux cette menace de disparition. pourquoirien.blogspot.fr - août 2013

20/11/2013

L'Anarque, extrait 7b : l'amour et la souffrance

couv-products-99349.pngL’Homme absurde, produit d’une vie absurde, est un homme qui souffre. L’Anarque pense que l’homme conscient de sa souffrance est toujours un peu plus libre que celui qui n’en est pas conscient. Car le second, doté d’une souffrance inconsciente, ne souffre pas forcément moins que le premier. En même temps, la conscience de sa souffrance ne doit pas entraîner, chez l’individu, une nouvelle douleur et, à terme, davantage de souffrance. En considérant, en fait, que toute souffrance s’impose à lui alors elle constitue son conditionnement. Par conséquent, se connaître c’est notamment connaître sa souffrance. L’individu qui connaît sa souffrance la borne, sait de quoi il souffre puis pourquoi il souffre. Ceci peut déjà lui permettre de souffrir un peu moins. Il doit en déduire de quoi il ne souffre pas et qu’il range parmi les plaisirs exclusifs. D’autant que, comme l’hédoniste, l’Anar-que aime le désir sans souffrir : sa révolte est notamment d’opposer clairement plaisir (conséquence d’un désir assouvi) et douleur (cause d’une souffrance). Ajoutons à cela que l’appréciation d’une part de sa souffrance par une saine résignation est également libératrice (saine car préservant le bien-être acquis jusqu’ici). Car il faut savoir ne pas souffrir en raison d’impossibles s’imposant à la nature comme à l’être humain. Puis l’homme qui aime se faire du mal est l’opposé de l’Anarque. Aimer souffrir, c’est souffrir. Aussi, l’Anarque ne veut pas souffrir d’aimer. (Louison Chimel - L'Anarque)

Plus d'infos (extraits, vidéos, vente) sur la Page Fan de l'Anarque
et ici.

18/11/2013

La Télévision, selon Chimel-Georges Micberth

television_-_big_screen.gifTélévision. On a dit beaucoup trop de mal de la télévision,
alors qu'on aurait dû lui en faire, en fusillant par exemple
l'ensemble de ses journalistes et de ses animateurs.
Ça pour commencer.

(Chimel-Georges Micberth, La Lettre)

15/11/2013

L'Anarque, extrait 7a : l'amour et la souffrance

couv-products-99349.pngQuand l’Anarque est méfiant, cela ne veut pas dire qu’il est contre. Il ne juge pas celui qui dit concernant l’être qu’il aime : « Je l’aimerai pour toujours. » L’avenir peut donner raison à ce dernier. L’Anarque préfère l’expression : « Je sais que l’autre actuellement est aimé par moi. »
Le lendemain de son divorce, un individu peut se rendre compte qu’il a surtout aimé l’amour. Il a aimé l’amour pour lui qu’il trouvait, sur une période donnée, chez son partenaire. Même si ce partenaire ne l’aimait plus, il continuait à aimer cet amour et à aimer son partenaire avec celui-ci. Bien sûr, il continuait peut-être à réellement aimer son partenaire. Mais ce dernier ne lui rendait plus cet amour. Voilà que l’amour peut rendre prisonnier s’il n’est pas partagé ! Telle la liberté elle-même qui ne réfléchit plus comme dans un miroir et ne rend plus libre autrui, l’homme doté d’un amour non partagé n’est plus libre. Car il ne se sent pas capable de ne plus aimer. En d’autres termes, il n’aime plus librement. Aimer en n’étant pas libre, est-ce encore aimer ? D’autant que celui qui aime sans vraiment de retour amoureux – et donc libérateur – peut faire preuve de jalousie, de possessivité, d’irrespect à l’égard de celui qu’il dit encore aimer : conséquences d’une souffrance. Une morale religieuse peut pourtant répondre par l’affirmative à travers l’idée suivante : « Tu souffres, tu aimes. » L’Anarque préfère penser : « Tu aimes, tu es libre. » Car la souffrance n’est pas libératrice. Se défaire d’une souffrance permet toujours de retrouver de la liberté car du bien-être moral ou physique. Or, ce n’est pas la souffrance elle-même qui libère. Il existe, de surcroît, des souffrances qui durent et dont jamais l’individu ne se défait. La souffrance peut également être considérée comme unique en chaque homme. Elle est le résultat de plusieurs douleurs qui ont laissé des traces dans le mental ou le corps de l’homme. Comme une douleur physique engendre en général une douleur morale, la souffrance peut tout le temps être qualifiée de morale. La révolte de l’Anarque est un combat contre toute souffrance. Dans la mesure où la souffrance est morale, elle est spiritualisable. Et comme la religion est une forme de spiritualité, elle peut d’autant plus « utiliser » la souffrance. D’ailleurs, pour le religieux, la souffrance est religieuse ou elle n’est pas. L’existence de la souffrance justifie sa parole prétendument libératrice. Posons maintenant la question : « Pourquoi souffrir ? » Nous pouvons l’entendre par la suivante : « Pour quelles raisons souffrir ? » L’Ethique de l’Anarque peut lui faire répondre : « Pour tant de choses ou peut-être pour rien. » Ou bien il répond par une chose qu’il voit comme un fait : « Parce que l’homme est absurde. » L’homme souffre parce qu’il n’a pas ce qu’il voudrait avoir, sa condition sociale est difficile à vivre, sa santé physique est mauvaise. L’homme aurait voulu son destin autrement. « Aurait » et « destin » : le premier mot est un verbe au conditionnel, le second laisse entendre l’idée d’une vie tracée à l’avance de son parcours. Cette idée est l’affaire de croyants religieux ! Dans la précédente phrase, remplaçons tout simplement « destin » par « vie » ; elle devient : l’homme aurait voulu une vie autrement. Donc une vie autre, une autre vie. Donc il aurait voulu être un autre homme. S’il ne peut échapper à son destin, ce n’est pas parce qu’il ne peut échapper à ce qui, demain dans sa vie, « doit se produire » mais parce qu’il ne peut échapper au présent. Dans tous les cas, c’est dans ce « l’homme aurait voulu » que la souffrance se développe. Cela rend-il service à l’individu d’avoir voulu au conditionnel hormis de s’éloigner de sa liberté ? « Supprimez le conditionnel et vous aurez détruit Dieu. » (Boris Vian) Pourtant, croyant ou non en Dieu, il semble qu’il ne sait pas ne pas souffrir. En fait, il ne peut pas ne pas souffrir. (
Louison Chimel - L'Anarque)

Plus d'infos (extraits, vidéos, vente) sur la Page Fan de l'Anarque
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10/11/2013

La décence ordinaire chez G.Orwell, par J.-C.Michéa

Seul,(…) un solide sens des limites pourrait garantir que le détour nécessaire par l'abstraction ne fonde pas un envol définitif hors de la réalité matérielle. Or ce sens des limites, garde-fou du penseur, ne peut trouver ses conditions d'existence, c'est la grande pensée d'Orwell, que dans la sensibilité morale, dans ce qu'il désigne partout comme la common decency, c'est-à-dire ce sens commun qui nous avertit qu'il y a des choses qui ne se font pas. Si par conséquent l'intelligentsia moderne a, dans son ensemble, rompu avec le réalisme spontané de l'homme ordinaire, c'est fondamentalement parce qu'elle a cessé d'être morale. Une telle évolution est d'ailleurs ce qui la distingue de la classe ouvrière. Dans l'essai sur Dickens (publié à la fin de 1939) Orwell écrit ainsi : " L'homme ordinaire vit encore dans l'univers mental de Dickens, mais presque tous les intellectuels modernes ont rallié une forme ou une autre de totalitarisme. D'un point de vue marxiste ou fasciste, à peu près tout ce que Dickens défend peut être dénoncé comme " morale bourgeoise ". Seulement quand il s'agit de morale il n'y a pas plus " bourgeois " que la classe ouvrière.
Nous n'avons pas, ici, à nous interroger sur le degré d'exactitude de cette représentation des classes populaires. L'important, c'est de voir qu'elle fonde chez Orwell l'idée que le Socialisme a deux origines historiques bies distinctes : d'un côté il procède des dispositions éthiques engendrées par la condition ouvrière, telles que " la loyauté, l'absence de calcul, la générosité, la haine des privilèges ". De l'autre, il se développe au sein de l'intelligentsia, sous la forme de constructions conceptuelles rigoureuses, dont les fondements psychologiques sont, en dernière instance, indépendants des impératifs élémentaires de la morale, pour laquelle les intellectuels n'éprouvent en général que le mépris dû aux produits de la conscience mystifiée ( " C'est un fait étrange mais incontestablement vrai que n'importe quel intellectuel anglais ressentirait plus de honte à écouter l'hymne national au garde à vous qu'à piller dans le tronc d'une église. ")
Une généalogie critique du Socialisme doit donc briser son unité apparente ; il lui faut retrouver sous la conscience idéologique " importée de l'extérieur " la sensibilité morale qui organise la révolte ouvrière contre les conditions d'existence. Cette indispensable séparation (puisque le Socialisme existe en double) est le préalable d'une histoire qui échappe aux aventures de la dialectique. Orwell le dit clairement : " Je n'ai jamais eu la plus petite peur d'une dictature du prolétariat, pour autant qu'elle soit possible, et certaines choses qu'il m'a été donné de voir en Espagne me confirment dans ce sens. Mais j'avoue avoir en horreur absolue la dictature des théoriciens, comme en Russie ou en Allemagne ".
Par des chemins détournés, la morale finit donc par retrouver en politique la position centrale que Kant lui assignait. C'est pourquoi il est nécessaire, à présent, d'examiner de près ce que recouvre cette common decency et surtout de dévoiler le mécanisme qui conduit l'intelligentsia à s'en écarter naturellement.
Orwell nous dit ainsi qu'elle est chez les humbles une vertu " innée ". Ce n'est guère éclairant. Il dit également qu'il est difficile d'échapper à " cette idée cynique que les hommes ne sont moraux que lorsqu'ils sont sans pouvoir ". Cette remarque est plus intéressante : car c'est bien à partir des effets du pouvoir que l'énigme du socialisme doit être élucidée. (Orwell, anarchiste tory (Climats 2000) - Jean-Claude Michéa)

07/11/2013

E.Jünger selon Arendt

ernstjuengerstamp.jpg« Les Journaux de guerre d'Ernst Jünger offrent peut-être l'exemple le meilleur et le plus honnête des immenses difficultés auxquelles l'individu s'expose quand il veut conserver intact son système de valeurs morales et son concept de vérité en un monde où vérité et morale ont perdu toute forme identifiable d'expression. Malgré l'indéniable influence que les premiers travaux de Jünger ont exercée sur certains membres de l'intelligentsia nazie, il a été du premier au dernier jour du régime un opposant actif au nazisme, montrant par là que le concept d'honneur, un peu désuet mais répandu jadis parmi le corps des officiers prussiens, suffisait amplement à motiver une résistance individuelle. » Hannah Arendt sur Ernst Jünger qui fut le premier homme à détailler le concept d'anarque dans son livre Eumeswill

03/11/2013

Les lignes de fuite, partie 2

Les lignes dures ne sont pas à considérer de manière morale mais de manière éthique et stratégique :
- Ethique car ces dispositifs ne sont pas neutres et peuvent rapidement nous asservir et nous façonner (d’où ma proposition de n’y faire que des passages furtifs).
- Stratégique car ces passages sur les lignes dures peuvent nous permettre de propulser nos désertions et établir nos plans d’émancipation. Argent, salariat, action politique, médiatisation, subvention, voiture, propriété privée, peuvent parfois nous servir pour enclencher une évasion ou bien éviter la répression. Toute la difficulté est de ne pas se laisser rabattre sur une ligne dure lors de ces incursions.

Car ce dont il s’agit dans ces exemples ce n’est pas de choisir une ligne dure moins pire que les autres (le RMI plutôt que le salariat, une conjugalité sans enfant plutôt que le projet familial, l’agriculture biologique plutôt que l’agriculture conventionnelle). Cela serait passer d’une ligne dure à une autre sans jamais fuir quoi que ce soit. Il s’agit de tracer astucieusement un plan d’émancipation ; le tracer tout en l’expérimentant au jour le jour, et en slalomant entre les tentatives de rabattement. Parce que les dispositifs de pouvoir essayent par tous les moyens de rattraper les déserteurs et des déserteuses : c’est l’assistance sociale qui veut nous réinsérer, le conseiller d’orientation et nos parents qui veulent nous aider à définir notre avenir, le syndicat qui veut nous encarter à la fin de la grève sauvage nos ami(e)s et parents qui veulent « sauver notre mariage », la psychothérapie, les juges, les flics, et moi-même. Et oui. Moi-même lorsque je rédige mon CV et élabore mon projet de vie, de carrière, mon avenir. Le risque du rabattement ne vient pas que de l’extérieur et c’est pour cela que les problèmes ne sont pas seulement politiques mais bien éthiques : c’est dans mes peurs, mes préjugés, mes besoins, mes dépendances, mes habitudes, mon mode de vie que se cachent le rabattement, l’auto répression, l’autodiscipline. Le flic est en moi.

La fuite n’est donc pas simplement désertion du champ de bataille, évasion d’une prison, fugue de l’école ou de la famille, rupture conjugale. Nous constituons nos propres dispositifs de pouvoir et d’aliénation. La fuite peu aussi bien être immobile, en tant que renversement des rapports, ruine du dispositif, soustraction aux rôles attendus, refus d’obéir. Non pas fuite de l’autre mais élaboration d’une autre relation à l’autre. Il y a des dispositifs qu’il nous faudra fuir réellement tant ils nous anéantissent mais il y a ces dispositifs que nous avons bâtis nous-mêmes (ces collectifs devenus communautés terrible, ces couples devenus conjugalités, ces familles devenues patriarcales et cloisonnées). Ces rapports que nous avons laissé s’établir, il s’agit désormais de les renverser, d’établir une autre relation à soi et aux autres, d’élaborer d’autres modes d’existence.

Nos lignes de fuites progressent au sein de ces expériences. (Simon - transversel.org)

01/11/2013

Pier Paolo Pasolini, extrait de Poésie à Casarsa

2011_40934_111875.jpgJ’ai le calme d’un mort :
je regarde le lit qui attend
mes membres et le miroir
qui me reflète absorbé.

Je ne sais vaincre le gel
de l’angoisse, en pleurant,
comme autrefois, dans le cœur
de la terre et du ciel.

Je ne sais feindre ni calme
ni indifférence ou autres
exploits juvéniles
couronnes de myrte ou palmes.

Ô Dieu immobile que je hais
fais que jaillisse encore
vie de ma vie
peu m’importe comment.

27/10/2013

Les lignes de fuite, partie 1

Le concept de ligne de fuite a été élaboré par Félix Guattari et Gilles Deleuze.

Ils distinguent pour cela au sein de nos vies trois types de ligne : la ligne dure, la ligne souple et la ligne de fuite. Les lignes dures sont celles des dispositifs de pouvoir. Tant que nous restons sous contrôle, nous nous contentons de passer d’un segment dur à l’autre : de l’école à l’université, puis au salariat et enfin la retraite. Les lignes dures nous promettent un « avenir », une carrière, une famille, une destinée à accomplir, une vocation à réaliser.

Les lignes souples sont différentes mais voguent autour des lignes dures sans les remettre en question : histoires de famille, désirs cachés, rêveries pendant les cours, vilain petit secret, discussions à voix basses autour de la machine à café, micro-politique. Ce sont ces liens qui s’immiscent même au cœur d’un univers de rapports, ces petits refus de respecter le règlement ou le code de la route, ces grèves ponctuelles, ces cours séchés. D’un passage par une ligne souple, tu reviens rapidement sur la ligne dure : tout rentre dans l’ordre.

Et enfin il y a les lignes de fuite, et de celles-ci nous ne revenons jamais au même endroit. « Une vraie rupture est quelque chose sur quoi on ne peut pas revenir, qui est irrémissible parce qu’elle fait que le passé a cessé d’exister » (Deleuze et Guattari citant Fitzgerald dans Mille Plateaux). Les lignes de fuite ne définissent pas un avenir mais un devenir. Il n’y a pas de programme, pas de plan de carrière possible lorsque nous sommes sur une ligne de fuite. « On est devenu soi-même imperceptible et clandestin dans un voyage immobile. Plus rien ne peut se passer ni s’être passé. Plus personne ne peut rien pour moi ni contre moi. Mes territoires sont hors de prise, et pas parce qu’ils sont imaginaires, au contraire, parce que je suis entrain de les tracer » (Mille Plateaux). « Nous devons inventer nos lignes de fuite si nous en sommes capables, et nous ne pouvons les inventer qu’en les traçant effectivement, dans la vie » (ibidem). La destination est inconnue, imprévisible. C’est un devenir, un processus incontrôlable. C’est notre ligne d’émancipation, de libération. Elle est le contraire du destin ou de la carrière. Et c’est sur une telle ligne que je peux enfin me sentir vivre, me sentir libre.

Et pourtant si Félix et Gilles définissent trois lignes (et non deux), c’est bien pour nous garder de tout dualisme. Il n’y a pas d’un côté les méchantes lignes dures et de l’autre les bonnes lignes de fuite. Le dualisme est plutôt celui de la morale et des dispositifs de pouvoir. Prendre une ligne de fuite ne signifie pas « prendre la bonne voie » mais « expérimenter ». Il n’y a pas de dualisme tout d’abord parce que les lignes dures nous sont parfois vitales (pour nous nourrir et avoir un endroit où dormir) bien qu’elles travaillent nos corps, nous découpent, surcodent nos manières de percevoir, d’agir, de sentir. Le travail visant à miner ces lignes est délicat car il se fait non seulement contre l’Etat mais aussi sur soi.

Ensuite les lignes de fuite sont les plus dangereuses parce qu’elles sont réelles et pas du tout imaginaires (ce sont les lignes souples qui sont imaginaires : rêveries, fantasmes, utopies révolutionnaires, ragots,...) . Avant de suivre une ligne de fuite il faut pouvoir la tracer. Sinon cela peut nous mener à la catastrophe : paranoïa, suicide, overdose, hôpital psychiatrique, solitude, alcoolisme ou dépression. La ligne de fuite tourne en ligne d’abolition, notamment lorsque quelqu’un fuit seul(e), fuit les autres au lieu de fuir les dispositifs. Mais même à plusieurs, la fuite peut nous emmener tout droit dans un trou noir, un micro-fascisme, une secte ou un groupuscule de lutte armée, puis la prison et la mort. Dans ce cas nous avons effectivement fui nos lignes dures mais pour se faire rabattre sur des lignes bien pires encore. La désertion est une expérimentation périlleuse aussi parce qu’elle n’est pas encadrée : nous devons tracer nous-mêmes nos lignes de fuite.

Enfin, dans nos vies, toutes les lignes sont entremêlées. A la multitude des dispositifs de pouvoir correspond une multitude de lignes dures autour desquelles se tortillent une myriade de lignes souples. Et de chaque dispositif une multiplicité de désertions sont possibles. Malgré tout une émancipation globale ne se résume pas à la fuite de tous les dispositifs : ce serait là l’erreur de vouloir faire de l’émancipation une fin-en-soi, d’unifier les lignes de fuite en un programme politique. Les émancipations sont autant de libérations que de difficultés et de dangers. C’est parfois en repassant ponctuellement par des lignes dures que nous élaborerons nos meilleures désertions : un boulot saisonnier pour financer une caravane permanente, une petite subvention ponctuelle pour construire une zone d’autonomie collective, un passage par le dispositif RMI pendant un an pour repartir de plus belle ensuite. Simon - transversel.org

23/10/2013

L'Anarque, extrait 6 : être romantique

couv-products-99349.pngL’Anarque ne cherche pas à définir un romantisme mais aime le fait, l’action romantique. Il pense que le fait romantique peut se retrouver dans de nombreuses entreprises. En allusion à la classification hégélienne des arts, ne sont romantiques pas seulement la peinture, la musique ou la poésie. C’est parce que l’Anarque est romantique qu’il sait relever, dans les temps anciens, ce qui faisait civilisation. C’est être romantique que de penser que l’amour spirituel (non divin, pour l’Anarque) se retrouve aussi bien dans la création que dans la camaraderie ou encore dans l’amour pour son enfant. Puisque, de tout cela, se rattachent des infinies manifestations de l’esprit qui se veut bon, donc du Beau.
Comme nous l’avons vu dans la partie expliquant les différences entre éthique et morale, l’Ethique repose justement sur ce que nous pensons bon de faire. Ici, remplaçons « bon » par « beau ». La dimension la plus esthétique de cette éthique est romantique. Ce qui est beau de faire entraîne l’Individu à adopter un comportement romantique qui ne concerne pas seulement le cadre des relations amoureuses. Nous pouvons régulièrement apporter des notes romantiques à notre quotidien.
Malheureusement, dans un monde composé d’hommes n’aimant pas que leurs habitudes soient bousculées, l'écrit, la parole, plus généralement l’attention romantique risquent quelquefois, ou souvent, d’être incompris. Seulement, le Beau n’a pas ce besoin essentiel d’être représenté tant qu’il est présent dans l’imaginaire. Le Beau – initialement fruit d’un jugement romantique et relativement intuitif – se retrouve dans l’Ethique de l’Anarque.
(Louison Chimel - L'Anarque)

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21/10/2013

L'Anarque : l'ouvrage en photo

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19/10/2013

L'Anarque, extrait 5 : des différences entre anarchiste et anarque

couv-products-99349.pngL’anarchiste ne souscrit à aucun système politique existant. Il défend, par contre, celui de l’Autogestion et, plus globalement, la libre association d’individus. Mais comme chaque association peut beaucoup se dissembler par la taille, le secteur d’activité, le règle-ment intérieur puisque défini par les associés dans leur contrat, le système défendu par l’anarchiste est, en fait, un ensemble de micro-systèmes, ensemble qui se veut fédéraliste. L’Anarque, quant à lui, est conscient de la part d’absurde dans tout système, sans exception. L’absurde en question peut provenir de ce que l’Anarque qualifiera d’injuste dans un système,
ou bien de l’impossibilité pour ce dernier de perdurer, ou encore de son manque d’efficacité. D’autant que, contrairement à l’anarchiste qui est l’engagé de l’anarchisme, l’Anarque considère cette doctrine comme utopique d’un point de vue politique. Car il essaie de ne pas fournir d’espoirs vains sur le compte de l’homme, qui aime souvent le pouvoir et l’argent. Autrement dit, il voit mal des milliards d’individus devenir anarchistes, que ce soit à court ou à long terme. En s’inspirant d’une comparaison formulée par Jünger, l’Anarque pense que l’anarchisme peut être étranger à l’absence réelle de pouvoir comme le libéralisme, par exemple, peut l’être à la liberté.
Plus exactement, l’anarchiste s’intéresse à l’anarchisme dans sa dimension politique, l’Anarque dans sa dimension philosophique. Ils sont, de cette façon, tous deux amoureux de l’Anarchie qui est la finalité de l’anarchisme. Mais le premier la veut fermement comme réalisation politique et collective alors que le second la veut d’abord comme réalisation philosophique et individuelle. L’Anarque désire mesurer celle-ci comme une réalité présente (ou d’un futur très proche). En outre, il pense que le partage de sa posture peut encourager d’autres hommes à adopter la même et qu’au bout du compte se répand l’Anarchie.
Il semble naturel que son action se fasse d’abord au sein de son microcosme et dans le respect de la singularité de chaque individu l’incorporant plus ou moins longtemps. Action qui n’impose rien aux autres sauf, par exemple, dans l’urgence d’un danger à éviter. Personne ne peut, par ailleurs, lui imposer quoi que ce soit. Du moins, jamais dans sa pensée.
Louison Chimel - L'Anarque

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16/10/2013

L'Anarque, extrait 4 : l'infinité de microcosme et le désir d'anarchie

couv-products-99349.pngOutre [comme expliqué ailleurs dans le livre] les microcosmes généraux (mental, social) d’un homme qui incluent son conditionnement, il en existe d’autres à l’infini. En fonction de l’activité d’un individu, ils naissent et disparaissent. Puis ils renaissent, etc. L’homme en est le perpétuel bâtisseur. Des amoureux se retrouvent en catimini dans une chambre d’hôtel. L’homme ferme la porte derrière lui. Qu’importe le régime sous lequel vivent lui et sa bien aimée. Cette femme est peut-être la fille d’un bourreau, cet homme le frère d’un esclave. Ou bien ils sont de nationalités qui, pendant ce temps, se disputent sur le champ de bataille. Qu’importe, je répète. Ils vont, durant un instant – quelques heures ou une nuit –, se couper du monde extérieur en recréant leur propre monde alimenté d’un amour réel c’est-à-dire anarchique, qui existe malgré la pression alentour, la terreur éventuelle que le régime répand. Ces amants ne peuvent échapper totalement à leur conditionnement respectif, ils savent néanmoins être les créateurs d’un instant d’attentions partagées, de délicatesse authentique.
Jamais un système n’arrivera à bout du désir d’anarchie, qui, au fond, est très lié à ce qu’il y a de plus simple et beau en l’Individu. Il y aura toujours au moins un être avec ce ressenti, pratiquant sa moralité qui découle de la proportion anarchique de son esprit. 
Louison Chimel - L'Anarque

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07/10/2013

L'Anarque, extrait 2

couv-products-99349.png"L’Anarchie est éternelle pour deux raisons : parce que c’est une utopie et que c’est la plus belle. A cause de cela, nous pourrions dire que c’est la plus utopique des utopies. C’est la plus difficilement réalisable. En même temps, est parfois trop rapidement qualifié d’utopie un idéal de société qui mettrait en péril partiellement ou totalement le système existant. Ce sont les tenants de ce dernier qui portent ce jugement, avec les populations soumises à eux, invitées à ne pas trop se poser de questions sur l’Etre, le Devenir et un monde meilleur.
L’anarchiste est contre les élections. Par conséquent, pour qu’une société libertaire naisse dans un Etat, il faut qu’une majorité des sujets de son peuple révolutionne dans ce sens. Voire l’ensemble des sujets puisque l’anarchisme s’inscrit notamment dans l’idée de ne pas imposer un idéal à autrui. Chose bien dure à trouver réalisable. Il s’agirait, par ailleurs, d’une révolution non pas pour un remplacement de gouvernement mais l’annihilation de l’Etat lui-même étant donné l’anti-étatisme anarchiste incontournable. Il est difficile d’imaginer une zone géographique qui n’appartient plus à aucun Etat au beau milieu de tous les autres Etats. Par conséquent, et l’idéal anarchiste promeut en même temps ceci, la société libertaire ne peut exister, dans l’absolu, qu’après la disparition de l’ensemble des Etats du Monde ! Difficile, encore une fois, de penser que c’est possible.
De plus, si l’anarchiste est pacifiste et détient comme idée de la liberté celle de respecter l’individu qui ne veut pourtant pas se libérer, il n’utilisera aucun moyen d’imposer ses convictions auprès des autres. Le libertaire pacifiste et antimilitariste Barthélémy de Ligt écrivit que « plus il y a de violence, moins il y a de révolution ». L’absence de violence peut être un indicateur de progrès civilisationnel. En conséquence de quoi, nul besoin de révolution dans une société sans violence. La société dépossédée de toute forme de violence – physique et morale – est composée seulement d’individus libres. En résumé, moins il y a de violence, moins il y a besoin de révolution. En contrepartie, la violence indique un malaise existant. Nous pouvons aller dans le sens de Ligt si la violence est utilisée par l’Etat afin de diviser la nation, au sens de peuple. (Nous voyons dans une autre partie la différence entre Etat et nation.) L’Etat, avec la violence qu’il instrumentalise, oppose des hommes issus de la même nation qu’il dit représenter. Ou bien il fait la guerre à un autre Etat. Dans le premier ou le second cas, il use de son pouvoir et étouffe ainsi les capacités de révolution. Dans l’histoire toutefois, cet abus de pouvoir étatique n’a pas empêché le sursaut populaire à partir du moment où le peuple a su se fédérer et n’user de violence que contre ses élites. Phase intermédiaire d’une révolution : une résistance. Résister, c’est se défendre, ne pas céder, supporter. C’est donc arriver à détenir assez de liberté réelle afin d’avoir conscience de l’Etat malfaisant et, plus largement, des failles du système dans lequel nous vivons." Louison Chimel - L'Anarque

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01/10/2013

L'Anarque, extrait 1

"Que tout plaisir soit jouissance si la jouissance est la satisfaction d’un désir de volupté et si la volupté se rapporte exclusivement aux plaisirs des sens ! L’essence d’un plaisir se trouve toujours dans l’un des plaisirs des sens. Le plaisir est alors conçu comme essentiel et la jouissance a d’autres origines que seulement sexuelles.
Que toute jouissance soit plaisir si le plaisir n’a point de conséquences douloureuses ! En somme, que désirer reste anarchique ! Il est légitime car libérateur de chercher à combler le maximum de ses désirs essentiels dans la mesure du possible. Et cette mesure du possible se situe dans l’équilibre en question dans cette formule transcendante et éthique évoquée plus tôt : « Tout est possible mais tout n’est pas permis. »
Au passage, il existe bien sûr d’autres plaisirs comme celui de la transmission d’un savoir. Des plaisirs davantage existentiels, liés à l’épanouissement du Moi social donc aux rapports sociaux, à la vie professionnelle. Ils ne sont pas moins importants que les plaisirs des sens. En fait, ceux-là s’intègrent dans les plaisirs existentiels. Si un homme aime dialoguer avec un autre homme, c’est notamment parce qu’il aime parler, voir et entendre. L’épanouissement du Moi existentiel dépend de celui du Moi essentiel.
Car l’Individualité – unicité reconnue, déployée et assumée d’un individu – se retrouve dans les deux Moi. L’émancipation de l’Individu dépend du développement de son individualité.
Ceci dit, c’est parce qu’en général ils ne privilégient pas des individus par rapport à d’autres que l’Anarque insiste sur les plaisirs d’essence, ou des sens. (Je dis « en général » car, par exemple, l’aveugle ne peut pas voir et est donc naturellement démuni du sens de la vue.) Les plaisirs de l’Existence demandent la garantie des besoins physiologiques et de sécurité. Et jamais, dans l’histoire humaine, tous les hommes n’ont eu cette garantie.
Pour l’anarchiste, l’anarchisme est la construction d’un bonheur absolu et universel. Ce bonheur est l’Anarchie. L’anarchiste et l’Anarque sont, par conséquent, tous les deux pour ce bonheur. Or, pour le second, l’Anarchie impose dès à présent un bonheur fébrile mais un bonheur quand même et l’espérance d’un bonheur absolu et universel.
Et si l’Anarchie n’était-elle pas elle-même l’Espérance ? Ou c’est l’Espérance qui est anarchique et donc libératrice. Il faut penser une sagesse libertaire !

Le meilleur développement possible de l’Individualité est une condition de ce bonheur. D’après l’Anarque, la prise en compte de l’anarchisme avant tout comme une philosophie prépare davantage les hommes à une révolution réellement salvatrice. Car sans homme révolté, pas de révolution. Sans que cela relève d’une contradiction, l’Anarque ajoute : sans homme libre, pas d’homme révolté. Question de courage, assimilée à la force dans les vertus cardinales de Platon, la force d’esprit."

Louison Chimel - L'Anarque

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25/09/2013

L'anarchisme catalan

« Aux yeux du peuple espagnol, tout au moins en Catalogne et en Aragon, l’Église était purement et simplement une entreprise d’escroquerie. Il est possible que la foi chrétienne ait été remplacée dans une certaine mesure par l’anarchisme dont l’influence est largement répandue et qui a incontestablement quelque chose de religieux. » (George Orwell, Hommage à la Catalogne)

10/09/2013

L'Homme est la seule créature qui consomme sans produire

animal_farm.jpg"L'Homme est la seule créature qui consomme sans produire. Il ne donne pas de lait, il ne pond pas d'oeufs, il est trop débile pour pousser la charrue, bien trop lent pout attraper un lapin. Pourtant le voici suzerain de tous les animaux. Il distribue les tâches entre eux, mais ne leur donne en retour que la maigre pitance qui les maintient en vie. Puis il garde pour lui les surplus. Qui laboure le sol ? Nous ! Qui le féconde ? Notre fumier ! Et pourtant pas un parmi nous qui n'ait que sa peau pour tout bien."

(George Orwell - La ferme des animaux)