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01/10/2013

L'Anarque, extrait 1

"Que tout plaisir soit jouissance si la jouissance est la satisfaction d’un désir de volupté et si la volupté se rapporte exclusivement aux plaisirs des sens ! L’essence d’un plaisir se trouve toujours dans l’un des plaisirs des sens. Le plaisir est alors conçu comme essentiel et la jouissance a d’autres origines que seulement sexuelles.
Que toute jouissance soit plaisir si le plaisir n’a point de conséquences douloureuses ! En somme, que désirer reste anarchique ! Il est légitime car libérateur de chercher à combler le maximum de ses désirs essentiels dans la mesure du possible. Et cette mesure du possible se situe dans l’équilibre en question dans cette formule transcendante et éthique évoquée plus tôt : « Tout est possible mais tout n’est pas permis. »
Au passage, il existe bien sûr d’autres plaisirs comme celui de la transmission d’un savoir. Des plaisirs davantage existentiels, liés à l’épanouissement du Moi social donc aux rapports sociaux, à la vie professionnelle. Ils ne sont pas moins importants que les plaisirs des sens. En fait, ceux-là s’intègrent dans les plaisirs existentiels. Si un homme aime dialoguer avec un autre homme, c’est notamment parce qu’il aime parler, voir et entendre. L’épanouissement du Moi existentiel dépend de celui du Moi essentiel.
Car l’Individualité – unicité reconnue, déployée et assumée d’un individu – se retrouve dans les deux Moi. L’émancipation de l’Individu dépend du développement de son individualité.
Ceci dit, c’est parce qu’en général ils ne privilégient pas des individus par rapport à d’autres que l’Anarque insiste sur les plaisirs d’essence, ou des sens. (Je dis « en général » car, par exemple, l’aveugle ne peut pas voir et est donc naturellement démuni du sens de la vue.) Les plaisirs de l’Existence demandent la garantie des besoins physiologiques et de sécurité. Et jamais, dans l’histoire humaine, tous les hommes n’ont eu cette garantie.
Pour l’anarchiste, l’anarchisme est la construction d’un bonheur absolu et universel. Ce bonheur est l’Anarchie. L’anarchiste et l’Anarque sont, par conséquent, tous les deux pour ce bonheur. Or, pour le second, l’Anarchie impose dès à présent un bonheur fébrile mais un bonheur quand même et l’espérance d’un bonheur absolu et universel.
Et si l’Anarchie n’était-elle pas elle-même l’Espérance ? Ou c’est l’Espérance qui est anarchique et donc libératrice. Il faut penser une sagesse libertaire !

Le meilleur développement possible de l’Individualité est une condition de ce bonheur. D’après l’Anarque, la prise en compte de l’anarchisme avant tout comme une philosophie prépare davantage les hommes à une révolution réellement salvatrice. Car sans homme révolté, pas de révolution. Sans que cela relève d’une contradiction, l’Anarque ajoute : sans homme libre, pas d’homme révolté. Question de courage, assimilée à la force dans les vertus cardinales de Platon, la force d’esprit."

Louison Chimel - L'Anarque

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