23/11/2013
Le bestiaire de Blade Runner (1/2)
Une problématique de l'essence des Hommes-Machines s'accompagne inévitablement d'une interrogation sur le statut ontologique des animaux. On se souvient de la position cartésienne voulant que les animaux soient dénués de pensées et de conscience, automates composés uniquement de rouages mécaniques déterminant leur comportement et leurs capacités. La Mettrie radicalisa les vues de Descartes en pronostiquant que l'homme lui même est conforme à ce type de modèle et que pensée et conscience sont elles aussi d'origine purement mécanique : naissance de l'Homme-Machine.
Dans Blade Runner, l'Homme-Machine se distingue métaphysiquement de l'Homme-Nature sans être jamais assimilé à celui-ci. L'Androïde n'est pas envisagé en tant que maillon suivant d'une chaîne humaine évolutive. Un fossé ontologique les sépare. L'Homme-Nature se distingue de sa création non seulement par sa position de démiurge, mais aussi parce qu'il possède une originalité, par son modèle génétique inaltéré, qui lui assure un statut ontologique supérieur et conséquemment des droits supplémentaires. Dans les films de Ridley Scott, l'homme-machine, s'il possède des capacités physiques et intellectuelles supérieures à l'homme n'en constitue pas moins un archétype déchu d'un modèle original, donc une forme frelatée dans la hiérarchie ontologique des êtres. Nous avons déjà insisté ailleurs sur le platonisme génétique qui parcourt la pensée de Ridley Scott. Les androïdes jouent le rôle de robots (le travail qui est destiné aux Nexus 6 dans les colonies de l'espace), de machines pensantes (Roy déclamant de la poésie et posant des questions métaphysiques), de pantins et joujoux affectueux (les amis enthousiastes de J.-F Sebastian), de mannequins de vitrines (Zhora sous le feu de Deckard).
L'Homme-Nature est une espèce en voie de disparition. Les appartements jouxtant celui de J.F Sebastian sont vidés de leurs occupants, partis à l'aventure dans d'improbables colonies de l'espace. Les quelques humains qui ne se sont pas encore envolés se distinguent des humanoïdes par la nécessité de porter des prothèses (lunettes) ou par leurs défauts phénotypiques (vieillissement, maladies). Ils partagent avec les animaux cette menace de disparition. pourquoirien.blogspot.fr - août 2013
12:31 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.