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03/11/2013

Les lignes de fuite, partie 2

Les lignes dures ne sont pas à considérer de manière morale mais de manière éthique et stratégique :
- Ethique car ces dispositifs ne sont pas neutres et peuvent rapidement nous asservir et nous façonner (d’où ma proposition de n’y faire que des passages furtifs).
- Stratégique car ces passages sur les lignes dures peuvent nous permettre de propulser nos désertions et établir nos plans d’émancipation. Argent, salariat, action politique, médiatisation, subvention, voiture, propriété privée, peuvent parfois nous servir pour enclencher une évasion ou bien éviter la répression. Toute la difficulté est de ne pas se laisser rabattre sur une ligne dure lors de ces incursions.

Car ce dont il s’agit dans ces exemples ce n’est pas de choisir une ligne dure moins pire que les autres (le RMI plutôt que le salariat, une conjugalité sans enfant plutôt que le projet familial, l’agriculture biologique plutôt que l’agriculture conventionnelle). Cela serait passer d’une ligne dure à une autre sans jamais fuir quoi que ce soit. Il s’agit de tracer astucieusement un plan d’émancipation ; le tracer tout en l’expérimentant au jour le jour, et en slalomant entre les tentatives de rabattement. Parce que les dispositifs de pouvoir essayent par tous les moyens de rattraper les déserteurs et des déserteuses : c’est l’assistance sociale qui veut nous réinsérer, le conseiller d’orientation et nos parents qui veulent nous aider à définir notre avenir, le syndicat qui veut nous encarter à la fin de la grève sauvage nos ami(e)s et parents qui veulent « sauver notre mariage », la psychothérapie, les juges, les flics, et moi-même. Et oui. Moi-même lorsque je rédige mon CV et élabore mon projet de vie, de carrière, mon avenir. Le risque du rabattement ne vient pas que de l’extérieur et c’est pour cela que les problèmes ne sont pas seulement politiques mais bien éthiques : c’est dans mes peurs, mes préjugés, mes besoins, mes dépendances, mes habitudes, mon mode de vie que se cachent le rabattement, l’auto répression, l’autodiscipline. Le flic est en moi.

La fuite n’est donc pas simplement désertion du champ de bataille, évasion d’une prison, fugue de l’école ou de la famille, rupture conjugale. Nous constituons nos propres dispositifs de pouvoir et d’aliénation. La fuite peu aussi bien être immobile, en tant que renversement des rapports, ruine du dispositif, soustraction aux rôles attendus, refus d’obéir. Non pas fuite de l’autre mais élaboration d’une autre relation à l’autre. Il y a des dispositifs qu’il nous faudra fuir réellement tant ils nous anéantissent mais il y a ces dispositifs que nous avons bâtis nous-mêmes (ces collectifs devenus communautés terrible, ces couples devenus conjugalités, ces familles devenues patriarcales et cloisonnées). Ces rapports que nous avons laissé s’établir, il s’agit désormais de les renverser, d’établir une autre relation à soi et aux autres, d’élaborer d’autres modes d’existence.

Nos lignes de fuites progressent au sein de ces expériences. (Simon - transversel.org)

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