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19/10/2015

Les frontières sont-elles nécessaires ? L'avis d'Etienne Chouard

12/10/2015

Les frontières sont-elles nécessaires ? (2/2)

L'idée de frontière nous ramène, dans un sens, à l'idée de propriété, qui est une belle idée surtout quand nous l'entendons dans son sens inclusif. Dans son sens exclusif, elle semble tout d'un coup moins sympathique. C'est d'ailleurs pourquoi elle est rejetée par les collectivistes anarchistes ou communistes.

La frontière permet d'affirmer par exemple : « Ici, je suis chez moi. J'y accueille qui je veux. » Ou encore : « J'aimerais aller seul aux toilettes et y être en paix. » Ces choses, au nom de la vie privée et intime, sembleront assez évidentes. Sans frontière autrement dit, pas de respect de l'intimité donc de la dignité. C'est, ainsi, une question d'éthique. Le nécessaire sens des limites, sans lequel il n'y a pas de bon sens, se compose entre autres d'un sens des frontières. D'ailleurs, les notions de limite et de frontière ont des ressemblances. Le sens des limites, c'est « ce qui ne se fait pas », ce que je ne peux pas m'autoriser avec l'autre, ce que je ne peux lui demander et qui est indécent ; c'est, globalement, tout ce qui relèverait d'un abus de pouvoir. La frontière doit permettre la reconnaissance mutuelle des deux parties qui se situent d'un côté et de l'autre de la première. Ces parties s'autorisent alors, selon la volonté de chacune, tel don, tel échange, telle marque d'affection entre elles. N’oublions pas, non plus, que la liberté, elle, peut être conçue d'abord comme une négativité.

« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? C’est d’abord un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui. Entrons dans le détail avec le mouvement de révolte. Un fonctionnaire qui a reçu des ordres toute sa vie juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Il se dresse et dit non. Que signifie ce non ? Il signifie par exemple : « les choses ont assez duré », « il y a des limites qu’on ne peut pas dépasser », « jusque-là oui, au-delà non », ou encore « vous allez trop loin ». En somme, ce non affirme l’existence d’une frontière. Cette idée se retrouve sous une autre forme encore dans ce sentiment du révolté que l’autre « exagère », « qu’il n’y a pas de raisons pour », enfin « qu’il outrepasse son droit », la frontière, pour finir, fondant le droit. La révolte ne va pas sans le sentiment d’avoir soi-même en quelque façon et quelque part raison. C’est en cela que le fonctionnaire révolté dit à la fois oui et non. Car il affirme, en même temps que la frontière, tout ce qu’il détient et préserve en deçà de la frontière. Il affirme qu’il y a en lui quelque chose qui vaut qu’on y prenne garde. D’une certaine manière, il croit avoir raison contre l’ordre qui l’opprime. En même temps que la répulsion à l’égard de l’intrus, il y a dans toute révolte une adhésion entière et instantanée de l’homme a une certaine part de l’expérience humaine. » (Albert Camus, L'homme révolté)

Louison Chimel, extrait de Anarchiste conservateur retrouvable sous forme d'article à l'adresse suivante :
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-ne...

05/10/2015

Les frontières sont-elles nécessaires ? (1/2)

« Un peuple, c’est une population, plus des contours et des conteurs. » (Régis Debray, Eloge des frontières)

Les frontières sont nécessaires afin que plusieurs sous-ensembles cohabitent « pacifiquement » à l'intérieur d'un même ensemble. Premier exemple qui peut venir à l'esprit, le corps humain et ses milliards de cellules avec leur porosité. Qui dit frontière ne dit donc pas fermeture nette et absolue. Il y a la maison, son intérieur et son extérieur – avec un jardin, par exemple –, puis ses portes et fenêtres afin de justement « faire communiquer » son intérieur et son extérieur ; la gestion de leurs ouvertures et fermetures revient logiquement à leur propriétaire. Aussi, d'un certain découpage, nous pouvons obtenir un meilleur assemblage.

 

Une frontière, en politique, est censée protéger des droits pour une population donnée sur un territoire donné. Ceci peut permettre une meilleure reconnaissance et un certain respect – non seulement moralement mais aussi juridiquement – de ceux qui sont de l'autre côté de la frontière, concernant une autre population, un autre territoire. Toute posture anti-colonialiste dépend de l’existence des frontières. Appuyer intelligemment cette dernière peut servir une cause anti-colonialiste ou anti-impérialiste.

La frontière n’est pas un problème en soi. Sa mauvaise gestion peut en être un. Dans l'absolu, n’est-ce pas aux peuples autochtones de choisir qui ils acceptent ou non sur leur territoire ? Il faut se méfier de la gestion des frontières par des représentants d'intérêts particuliers – politiques ou économiques. Eux peuvent se moquer du bien-vivre ensemble et de la solidarité interne à un peuple mais aussi de celle entre deux peuples et justement entretenue par la frontière gérée alors harmonieusement, sans posture idéologique visant à défendre l'ouverture, ou la fermeture, constante des « portes et fenêtres ». Les colonialistes et impérialistes, eux, se fichent à coup sûr des frontières. Ils les répugnent. C'est pour cela qu'ils osent faire ce qu'ils font. Ils s’assoient sur la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes – et donc à formuler un destin commun sur un territoire dont ils sont souverains.

De surcroît, l'idée de frontière effraie des anarchistes. Car qui dit frontière dit principe d'inclusion et d'exclusion d'individus. Pourtant, l'inclusion par l'association – toute consentie qu'elle peut, et doit, être – entraîne nécessairement une exclusion : il y a les associés et les autres. Ce qui ne veut pas dire que l'association est intangible. Aujourd’hui, je contracte avec untel. Demain, avec untel autre. Analogiquement, la frontière n’est pas un mur qui, en plus, serait assurément infranchissable.

Louison Chimel, extrait de Anarchiste conservateur retrouvable sous forme d'article à l'adresse suivante :
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-ne...