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12/10/2015

Les frontières sont-elles nécessaires ? (2/2)

L'idée de frontière nous ramène, dans un sens, à l'idée de propriété, qui est une belle idée surtout quand nous l'entendons dans son sens inclusif. Dans son sens exclusif, elle semble tout d'un coup moins sympathique. C'est d'ailleurs pourquoi elle est rejetée par les collectivistes anarchistes ou communistes.

La frontière permet d'affirmer par exemple : « Ici, je suis chez moi. J'y accueille qui je veux. » Ou encore : « J'aimerais aller seul aux toilettes et y être en paix. » Ces choses, au nom de la vie privée et intime, sembleront assez évidentes. Sans frontière autrement dit, pas de respect de l'intimité donc de la dignité. C'est, ainsi, une question d'éthique. Le nécessaire sens des limites, sans lequel il n'y a pas de bon sens, se compose entre autres d'un sens des frontières. D'ailleurs, les notions de limite et de frontière ont des ressemblances. Le sens des limites, c'est « ce qui ne se fait pas », ce que je ne peux pas m'autoriser avec l'autre, ce que je ne peux lui demander et qui est indécent ; c'est, globalement, tout ce qui relèverait d'un abus de pouvoir. La frontière doit permettre la reconnaissance mutuelle des deux parties qui se situent d'un côté et de l'autre de la première. Ces parties s'autorisent alors, selon la volonté de chacune, tel don, tel échange, telle marque d'affection entre elles. N’oublions pas, non plus, que la liberté, elle, peut être conçue d'abord comme une négativité.

« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? C’est d’abord un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui. Entrons dans le détail avec le mouvement de révolte. Un fonctionnaire qui a reçu des ordres toute sa vie juge soudain inacceptable un nouveau commandement. Il se dresse et dit non. Que signifie ce non ? Il signifie par exemple : « les choses ont assez duré », « il y a des limites qu’on ne peut pas dépasser », « jusque-là oui, au-delà non », ou encore « vous allez trop loin ». En somme, ce non affirme l’existence d’une frontière. Cette idée se retrouve sous une autre forme encore dans ce sentiment du révolté que l’autre « exagère », « qu’il n’y a pas de raisons pour », enfin « qu’il outrepasse son droit », la frontière, pour finir, fondant le droit. La révolte ne va pas sans le sentiment d’avoir soi-même en quelque façon et quelque part raison. C’est en cela que le fonctionnaire révolté dit à la fois oui et non. Car il affirme, en même temps que la frontière, tout ce qu’il détient et préserve en deçà de la frontière. Il affirme qu’il y a en lui quelque chose qui vaut qu’on y prenne garde. D’une certaine manière, il croit avoir raison contre l’ordre qui l’opprime. En même temps que la répulsion à l’égard de l’intrus, il y a dans toute révolte une adhésion entière et instantanée de l’homme a une certaine part de l’expérience humaine. » (Albert Camus, L'homme révolté)

Louison Chimel, extrait de Anarchiste conservateur retrouvable sous forme d'article à l'adresse suivante :
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-ne...

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