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10/01/2016

Point de la semaine : notre incapacité politique (partie 4)

Dernier point de la semaine associé aux autres réunis sous le nom de « notre incapacité politique ». Je fournis ici des informations répondant à quelques questions concernant l’idéal confédéraliste (ou fédéraliste intégral).

DE L’AN-ARCHIE, L’ORDRE JAILLIT
D’abord, ce dernier remet-il en question l’existence de l’État ? Pour répondre, je m’en remets à l’un des principaux théoriciens du fédéralisme intégral, ce cher Pierre-Joseph Proudhon. Lui, ne remet pas totalement en cause l’existence étatique. À vrai dire, qu’importe, selon lui, comment nous l’appelons… Dans ses Confessions d’un révolutionnaire, il nous dit en effet : « Le gouvernement, l’État, le pouvoir, quel que soit le nom que vous lui donniez, ramené à ses justes limites, qui sont, non de légiférer ni d’exécuter, pas même de combattre ou de juger, mais d’assister, comme commissaire, aux prêches, s’il y a des prêches ; aux débats des tribunaux et aux discussions du parlement, s’il existe des tribunaux et un parlement ; de surveiller les généraux et les armées, si les circonstances obligent de conserver des armées et des généraux ; de rappeler le sens des lois et d’en prévenir les contradictions ; de procurer leur exécution, et de poursuivre les infractions : là, dis-je, le gouvernement n’est autre chose que le proviseur de la société, la sentinelle du peuple. »
En fait, à partir de là, pour Proudhon, « le gouvernement n’existe plus, puisque, par le progrès de leur séparation et de leur centralisation, les facultés que rassemblait autrefois le gouvernement, ont toutes, les unes disparu, les autres échappé à son initiative ».
Ainsi, « de l’an-archie est sorti l’ordre ». Nous obtiendrions plus précisément :
« la liberté des citoyens, la vérité des institutions, la sincérité du suffrage universel, l’intégrité de l’administration, l’impartialité de la justice, le patriotisme des baïonnettes, la soumission des partis, l’impuissance des sectes, la convergence de toutes les volontés » ;
– une société « organisée, vivante, progressive ; elle pense, parle, agit comme un homme, et cela précisément par ce qu’elle n’est plus représentée par un homme, parce qu’elle ne reconnaît plus d’autorité personnelle, parce qu’en elle, comme en tout être organisé et vivant, comme dans l’infini de Pascal, le centre est partout, la circonférence nulle part ».

UNE CENTRALISATION POSITIVE
Une seconde interrogation peut porter sur le degré de décentralisation des pouvoirs politiques dans la confédération nationale (logique qui peut s’étendre au monde entier). Si le fédéralisme en question est dit intégral, c’est pour invalider totalement l’actuelle pyramide des pouvoirs en vigueur et réaliser leur décentralisation maximale. Ce qui reste de pouvoir à un échelon territorial supérieur est ce que veulent bien déléguer les citoyens à l’échelon inférieur, avec un contrôle permanent et une possible remise en cause par eux-mêmes de ce qui est délégué — remplacement du mandat représentatif par le mandat impératif.
Si cette remarque vaut pour le volet politique, il vaut également pour celui économique. L’autogouvernement en politique vaut l’autogestion dans le domaine professionnel et économique.
En son temps, Pierre-Joseph Proudhon (à nouveau lui) a beaucoup critiqué la concentration des pouvoirs nationaux par le centralisme étatique (hérité du jacobinisme).
Or, voyons ici que, toujours dans ses Confessions d’un révolutionnaire, il associe ce centralisme au despotisme et à l’insidieux processus de représentativité et défend en contrepartie un autre « mode » (mot qu’il emploie) de centralisation. De cette façon, Proudhon oppose deux types de centralisation :
– celle des États « despotiques et représentatifs » qui est « l’autorité, héréditaire ou élective, qui du Roi, Président ou Directoire descend sur le Pays et absorbe ses facultés » ;
– celle reposant sur le contrat, celle des sociétés « d’hommes libres, qui se groupent suivant la nature de leurs industries ou de leurs intérêts, et chez lesquels la souveraineté, collective et individuelle, ne s’abdique ni ne se délègue jamais ».
Dans le second cas, « l’unité sociale, au lieu de résulter [comme dans le premier cas] du cumul et de la confiscation des forces par un soi-disant mandataire du peuple, est le produit de la libre adhésion des citoyens. En fait et en droit, le Gouvernement, par le suffrage universel, a cessé d’exister ».
D’où la centralisation proudhonienne s’effectuant « de bas en haut, de la circonférence au centre », avec autonomie de toutes les fonctions administratives se gouvernant, en effet, « chacune par elle-même ».

DE LA CENTRALISATION POSITIVE AU DEGRÉ SALUTAIRE D’UNITÉ NATIONALE,
DE CETTE UNITÉ A LA MONARCHIE POSITIVE
Tout phénomène de centralisation dépend d’une certaine unification. Ainsi, la précédente centralisation positive dépend forcément d’un degré salutaire d’unité nationale. On peut juger que le fédéralisme intégral — soit ce confédéralisme absolu — défendu par Proudhon détricote de trop l’unité nationale ; ce qui, au passage, met de côté tout mythe nécessaire à l’unification en question.
D’où la solution monarchique conçue comme « l’anarchie plus un » par l’école néo-monarchiste de l’Action française. Si nous voyons, dans cette « anarchie plus un », l’incontournable prolongation de « l’anarchie positive » de Proudhon — au nom de ce qui a été dit précédemment mais aussi, et tout simplement, de la dose nécessaire de stabilité institutionnelle —, comment définir raisonnablement le rôle d’un nouveau roi de France ?

HenriIV.JPGLe roi de France, par l’éducation civique et patriotique qu’il aura reçue, ne peut que bien connaître l’histoire de France ainsi que constituer lui-même une référence éthique, un exemple de bonne conduite pour toute la jeunesse de France.
Le roi est à même d’incarner :
l’indépendance et la souveraineté du pays, qui reposent sur la faculté de la France à battre sa propre monnaie, faire ses propres lois, assurer l’indépendance de son système judiciaire (non soumis à des instances supranationales) et de son armée destinée avant tout à assurer la paix civile et non à faire des guerres en dehors de ses frontières en ne respectant pas la souveraineté des autres pays ;
une continuité historico-éthique nationale, les spécificités de la civilisation française, la mémoire des hommes et des femmes ayant résidé sur le territoire national, avec leurs luttes émancipatrices et leurs positions garantissant la décence ordinaire ;
les principes moraux non négociables, retrouvables dans la constitution nationale, assurant l’équité entre tous les Français, les traitements impartiaux et sans discrimination ;
– les vertus à la fois cardinales et théologales, au nom des origines philosophiques et religieuses de la France – de l’éthique des Grecs de l’Antiquité et du paganisme au catholicisme.

Le roi peut :
– avoir un pouvoir très limité. Il donne son avis dans l’intérêt du peuple pouvant l’appuyer et, souverainement, choisir l’option royale ;
– même être une autorité sans pouvoir particulier, comme certains chefs de tribu mélanésienne. Ce sont ces « hommes d’influence » dont il est collectivement reconnu le prestige. Ce dernier se retrouve, chez le roi, à travers entre autres ses capacités à servir (non à se servir) et à protéger (non à veiller à ce que son statut soit conservé puisqu’il est roi jusqu’à la mort). Autrement dit, le roi ne cherche pas à faire carrière. Son avenir politique est tout tracé. Il peut, par conséquent, se dévouer au bien de son peuple. « Le droit du peuple consiste dans cet ensemble de libertés publiques maintenues et développées par des générations qui, en reconnaissant le Roi, n'entendent pas se donner un maître de leurs personnes et de leurs biens, mais un protecteur de leurs droits. » (François-René de La Tour du Pin, Vers un ordre social chrétien) L’autorité du roi coule de source. Elle est évidente aux yeux, et dans le cœur, des Français.

Quant à ces derniers, les sujets du royaume de France, nous pourrons toujours les nommer citoyens dans la mesure où la monarchie défendable n’est pas, pour moi, n’importe quelle monarchie. Elle est une monarchie constitutionnelle et fédérative. Son principe fédératif peut se définir en s’inspirant beaucoup des thèses proudhoniennes (que je continue à défendre indépendamment de la solution monarchique). Il faut, selon moi, établir toutes les jonctions éthiques et institutionnelles possibles entre les précédentes « anarchie positive » et monarchie comme « anarchie plus un » ; entre leurs deux intégralismes, respectivement fédéraux et nationaux (*).
De cette façon, les Français seront toujours plus des citoyens dans cette monarchie que dans notre actuelle république agonisante. La première sera démocratique quand la seconde est ploutocratique. La monarchie que je décris cherchera vraiment à se concilier avec ce que désigne authentiquement la res publica. L’administration royale garantira, par conséquent, l’autodétermination des provinces françaises et la démocratie directe maximale, à tous les échelons territoriaux du pays. Le peuple, de son côté, reconnait, en le roi, le symbole de la :
– dimension unificatrice des régions françaises ;
– de la consistance d’une réalité française, héritière politiquement de ses monarchies, empires et républiques, culturellement de traditions locales diverses, d’un savoir philosophique et scientifique, d’un savoir-faire artisanal et artistique exceptionnels.

(*) À noter que Proudhon n’a jamais été monarchiste mais – dans De la Justice dans la Révolution et dans l’Église (1858) –, affirmant son patriotisme, il n’exclut pas la solution royaliste : « Je veux, autant qu'un autre, la gloire du nom français ; je ne repousserais pas le triomphe de mes principes et le bonheur de ma nation, parce qu'elle me viendrait d'un empereur ou d'un roi. » Comparant, par ailleurs, la Monarchie et la République françaises, il écrit : « Religion pour religion, l'urne populaire est encore au-dessous de la sainte-ampoule mérovingienne. Tout ce qu'elle a produit a été de changer la science en dégoût, et le scepticisme en haine. » Comparaison et préférence confirmée dans Du principe fédératif (1863) : « Ôtez de l’ancienne monarchie la distinction des castes et les droits féodaux ; la France, avec ses États de province, ses droits coutumiers et ses bourgeoisies, n’est plus qu’une vaste confédération, le roi de France un président fédéral. C’est la lutte révolutionnaire qui nous a donné la centralisation. » Nous savons, de toute façon, que Proudhon tient pour responsable la République de la centralisation qu’il critique avec virulence et à raison selon moi.
Le Bisontin a également écrit : « Un homme qui travaille à assurer sa dynastie, qui bâtit pour l’éternité est moins à craindre que des parvenus pressés de s’enrichir et de signaler leur passage par quelque folie d’éclat. » (De la création de l'ordre dans l'humanité ou Principes d'organisation politique) Je trouve qu’on peut, par contre, élargir cette dernière idée aux hommes de la vie ordinaire – bons pères de famille, entrepreneurs sociaux, créateurs moraux, virtuoses vertueux – soucieux de laisser derrière eux un bel héritage, éventuellement matériel (même modeste) mais toujours spirituel. Louison Chimel (reprenant des parties de ses Cahiers d'un anarchiste conservateur, à paraître)

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