18/01/2016
Un rétroviseur, ça doit servir ! (2/4)
À côté de cela, nous avons des zones rurales de plus en plus désertiques. Bien sûr, il faudrait territorialement répartir autrement les populations. Ce qui peut justifier que le lieu géographique idéal de la postmodernité est la campagne. À partir de là, les postmodernes seraient en particulier des anciens urbains devenant des néo-ruraux, s’alliant avec ceux qui, quant à eux, n’ont jamais cessé d’être des ruraux, qui leur feront découvrir les joyeuses connexions avec l’esprit de la nature afin de vivre en harmonie avec elle. La campagne, avec ses petits villages regroupés devenant des communes authentiques, pourrait ensuite servir d’exemple-levier en termes de conscience locale, citoyenne (avec la démocratie directe) et sociale (avec l’entraide organisée en associations et coopératives). Historiquement, quoi qu’il en soit, la vie rurale s’est fréquemment organisée de façon confédérale.
Un certain nombre de personnes chez qui je n’ignore pas les « fortes convictions » aiment affirmer qu’il faut accepter que le Monde « change », ou « avance », comme il est en train de « changer », ou « avancer ». Seulement voilà, nous pouvons très bien « changer en mal » ou encore « avancer dans le mur ». Sans que, pourtant, il évolue dans un confort économique, matériel ou mental particulier assuré par des modalités institutionnelles, techniques ou éthiques en cours, qu’un quidam soit si attaché à l’idée de « vivre avec son temps » peut parfois relever d’une peur, chez lui, de se retrouver seul à défaut d'être soi-même.
L’anarchiste conservateur, avec son sens de l’histoire, est amené à faire régulièrement des comparaisons entre présent et passé dans le but de faire, dans le monde actuel, la distinction entre ce qui nous fait perdre et ce qui nous gagner en liberté, en considérant éventuellement – au risque de donner des boutons à tout progressiste dogmatique – qu’il existe des choses qui étaient « mieux avant ». (1)
Ceci étant dit, il ne s’agit pas, bien sûr, d’idéaliser le passé puisque, pour prendre quelques exemples :
– la modernité fournit une technicité salutaire dans le domaine de la médecine ou de l’aménagement de la vie matérielle pour les personnes à mobilité réduite – pour peu, cependant, qu’elles vivent dans des pays riches. Par contre, au nom de l’utopie d’un monde sans armes, les « progrès » techniques dans le domaine militaire peuvent toujours être jugés regrettables ; à moins que l’ensemble des États du Monde soient dans une posture de dissuasion généralisée, ce dont nous pouvons toujours douter quand certains d’entre eux restent beaucoup plus armés que d’autres ;
– depuis la mort du nazisme, sans pour autant négliger l’émergence actuelle de mouvements politiques comme le parti grec Aube dorée se réclamant ouvertement d’icelui, nous pouvons trouver qu’en Occident, globalement, le racisme sous toutes ses formes a perdu du terrain ;
– il existe actuellement une prise de conscience inédite en matière d’écologie même si, bien sûr, elle succède à un laisser-aller généralisé et lui-même inédit durant le siècle dernier, relatif à l’ensemble des phénomènes d’industrialisation cherchant parfois à être justifiés par une rhétorique libérale moderniste qui concrètement appuie les intérêts du Grand capital ;
– nous pouvons trouver qu’il existe, parmi les classes populaires occidentales, un plus grand respect de l’individualité qu’autrefois. En même temps, ce progrès est à double tranchant. Car la défense de l’individualité – autrement dit, de l’unicité individuelle – ne doit pas abîmer la Décence ordinaire, sens de la solidarité et celui, s’il existe encore, de la fraternité. Néanmoins, défendre l’individualité n’est pas défendre le droit de faire tout et n’importe quoi en écoutant seulement nos désirs. Par exemple, il ne faut pas remettre en cause le droit de la filiation sous prétexte qu’il existe de nouvelles techniques de procréation avec, comme conséquences, une marchandisation de l’enfant.
Nous pouvons, par contre, trouver que le concept d’individualité n’est pas adapté aux sociétés tribales. Or, l’individualité n’est pas absente dans ces dernières dans le sens où la solidarité qu’on y retrouve ne découpe pas l’homme de de ce qu’il est. Au contraire, nous sommes d’autant plus humains que nous sommes solidaires. Ainsi, nous nous trouvons, ou retrouvons, davantage, nous déployons notre individualité – à travers les caractéristiques propres à notre personnalité – à mesure que nous sommes des humains dans la complétude humaine, évidemment empreinte de moralité et de spiritualité.
L’individualité, donc, n’est pas à promouvoir sous l’étiquette de l’individualisme libéral (déjà abordé plus haut) – avec individualisation des rapports sociaux devenant égoïstes sinon nuls – faisant des êtres soumis à l’ultralibéralisme – avec atomisation des individus devenant de pitoyables névrosés consommateurs. À l’opposé de la complétude humaine, de l’accomplissement de la décence intégrale, il y a l’homme qui n’est que l’ombre de lui-même.
Les dirigeants de ce Monde usent « intelligemment » de notions positives – en phase, en d’autres termes, avec l’idée d’émancipation – pour tromper les populations. De là, attention à ce qu’ils n’attisent pas, par exemple, notre égocentrisme plutôt que notre individualité. De toute façon, cette dernière se révèle par un travail conscient sur nous-mêmes et non pas en nous remettant à un tiers censé savoir qui nous sommes. Plus largement, les dirigeants politico-médiatiques peuvent malhonnêtement nous faire croire que nous sommes libres de ceci ou de cela. En termes, par exemple, de liberté d’expression, nous pouvons facilement constater qu’il existait encore dans les années 1980 des émissions T.V. et des journaux avec une liberté de ton inouïe par rapport à ce qui nous est proposé aujourd’hui. Pour calmer les colères populaires d’un côté, profiter des êtres déjà à moitié endormis de l’autre côté, les élites mondialisées entendent serrer la visse s’il le faut pour faire perdurer leur domination.
En vérité, l’anarchisme conservateur doit être un positionnement précurseur de la postmodernité. La modernité est incontournable. Il ne s’agit pas d’être réactionnaire et de l’ignorer mais de la dépasser dans le but de, en reprenant mes précédents points :
– réhabiliter une grande liberté d’expression pour la santé du débat public. Quelle que soit la dictature, elle est amenée à malmener cette liberté. Dès que nous considérons que nous sommes dans une dictature ultralibérale, nous devons être vigilants en matière de liberté d’expression, en n’attendant point, évidemment, la permission de parler mais en prenant tout bonnement la parole. « La liberté appartient à ceux qui l’ont conquise. » (André Malraux). Il faut également dénoncer la technique qui vise à criminaliser l’arrière-pensée ; c’est-à-dire à juger l’autre non pas sur ce qu’il a fait ou dit mais sur ce que, soi-disant, il voulait dire (2) ;
– concevoir l’individualité à travers les vertus de la Décence ordinaire, en les mettant publiquement en avant, pour lutter notamment contre l’indécence sociale et économique en général, « l’indécence extraordinaire des dominants » (3) en particulier (expression orwellienne). Parmi ces vertus, précisons ici l’antiracisme apaisé et fraternel, à opposer à l’antiracisme communautarisé (oxymore) et institutionnalisé de l’oligarchie en place qui hiérarchise et ethnicise les souffrances historiques dans le but
de maintenir sa domination en entretenant des divisions populaires. Attention à l’invention de problèmes ou l’extrapolation de situations relatives à des questions de discriminations reposant sur ce que sont les individus et qu’ils n’ont pas choisis (couleur de peau, physique, sexe). Sur le plan professionnel, il faut, bien entendu, combattre la discrimination à l’embauche et utiliser, pourquoi pas, les C.V. anonymes. Sur le plan historique, l’honnêteté nous amène à avoir un positionnement équilibré entre, par exemple, la conscience de l’existence passée de politiques racistes (traite négrière, nazisme) et l'actuelle manie victimaire comme éventuel objet de manœuvre politique. Ce sont aux classes populaires de montrer l’exemple dans la vie de tous les jours et de ne point se soumettre à l’instrumentalisation politicienne relative entre autres aux précédentes problématiques ;
– préserver la nature et concilier un certain écologisme avec l’idéal confédéraliste et le système économique préférable pour ce dernier : le socialisme autogestionnaire ;
– défendre un positionnement géopolitique confédéral et pacifique à l’égard de l’ensemble des peuples du Monde en opposition à toute théorie promouvant un gouvernement mondial puisque, forcément il sera seulement le pouvoir et la vision de quelques uns. D’où la nécessité de considérer la sensibilité patriotique et internationaliste comme opposée à l’idéologie mondialiste. Louison Chimel, Les Cahiers d'un anarchiste conservateur
13:26 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.