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20/09/2015

Proudhon, l'héritage d'un socialiste (1/3)

220px-Proudhon_jeune.jpg150 ans après sa mort, l'auteur de «Qu'est-ce que la propriété?» continue de peser sur la pensée politique.

Le 19 janvier 1865, il y a cent cinquante ans, mourait Pierre-Joseph Proudhon. «L’enfant terrible du socialisme», comme le surnomme un de ses biographes, était alors une figure influente des milieux ouvriers politisés. S’inscrivant dans la nébuleuse des socialismes utopistes et conceptuels des années 1830-1860, qui font l’objet de redécouvertes politiques et scientifiques depuis une bonne dizaine d’années, la figure de Proudhon mérite examen, au-delà des quelques formules toujours citées («La propriété, c’est le vol») et des condamnations sommaires, au demeurant compréhensibles sur certains sujets (la misogynie et l’antisémitisme traversent bien l’œuvre proudhonienne).

A la différence de Marx, dont il fut un des plus féroces adversaires, ses partisans n’ont pas fondé un «proudhonisme», comme il existe dès les années 1880 un «marxisme». Néanmoins, il est pour beaucoup considéré comme l’un des principaux théoriciens du courant anarchiste ou d’un «socialisme non étatique». Son œuvre foisonnante, protéiforme et peu systématique prête aux interprétations les plus contradictoires et a légué un héritage complexe dans le mouvement socialiste au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Eloges de Marx

En 1840, Proudhon a 31 ans et mène une carrière itinérante d'ouvrier typographe, un des métiers les plus fréquents de l’élite ouvrière politisée de l'époque, quand il publie son volumineux pamphlet Qu’est-ce que la propriété?, dont l'écho est considérable en France et à l’étranger. Karl Marx affirme alors: «L’ouvrage de Proudhon, Qu’est-ce que la propriété?, a pour l’économie sociale moderne la même importance que l’ouvrage de Sieyès Qu’est-ce que le Tiers-État? pour la politique moderne.» Comme le souligne le meilleur connaisseur de ce texte, l’historien Edward Castelton, dans ce pamphlet Proudhon «identifie le problème qui est au cœur de la question sociale dans la France post-révolutionnaire du XIXe siècle: l’écart entre le droit et le fait. Il est obnubilé par le paradoxe de ses contemporains qui parlent toujours de l’égalité des droits pour justifier la propriété, alors que c’est précisément la propriété qui provoque et consolide des inégalités de richesse et de fortune et qui rend, par conséquent, l’égalité juridique insignifiante».

Installé a Paris, l'ouvrier bisontin fonde un quotidien, Le Peuple, qui devient peu avant la Révolution de 1848 Le Représentant du Peuple, et est élu, début juin 1848, député à l’Assemblée nationale de la jeune Deuxième République. Très critique du gouvernement et révolté par l’écrasement de l’insurrection ouvrière de juin 1848, il intervient quelques semaines plus tard à l’Assemblée pour vanter les mérites de la confrontation de classes et de l’ouvrier, à qui désormais appartient l’avenir de l’humanité. Dans Les Confessions d’un révolutionnaire (1849), il affirmera que c’est aux travailleurs eux-mêmes de structurer leurs propres organisations économiques et sociales. Le théoricien de l’anarchisme est né.

Aux lendemains de cette révolution avortée, son attitude ambiguë à l’égard de Louis- Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III, a contribué à ternir sa réputation. Condamné pour avoir critiqué Louis-Napoléon, il est incarcéré jusqu’en juin 1852 mais la levée de l’interdiction initiale de son ouvrage La Révolution sociale démontrée par le coup d’État du 2 décembre (1852) comme ses rencontres avec le prince Jérôme, cousin de Napoléon III représentant l’aile sociale du bonapartisme, lui assurent ensuite une certaine bienveillance, reflétant la volonté impériale de tenter d’intégrer les représentants ouvriers au régime.

Foundation Jean Jaurès - Slate.fr - 19 Janvier 2015

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