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10/02/2015

Le langage en politique (2/3)

Il faut alors que ce nouveau verbe, cette nouvelle langue – dans 1984, Orwell parle de newspeak, traduit, en français, par novlangue –, soit le reflet de nouveaux comportements. Il s’agit bien d’entretenir une harmonie entre le verbal et le comportemental en faisant vivre, en nous, une nouvelle pensée, dans le but que la censure en question devienne autocensure d’abord consciente puis inconsciente. Car, en faisant disparaître certaines notions des écoles et des médias, il y a volonté de carrément limiter notre faculté de pensée, de contrôler notre psychologie, de perdre notre identité, pour devenir uniquement des êtres serviles – et consommateurs, dans le cas du capitalisme marchand (1) –, des anthropoïdes décérébrés et soumis, des animaux sans instinct propre à la nature mais régis par ceux qui gouvernent le Monde. Dans 1984, Orwell écrit : « Ne voyez-vous pas que le véritable but du novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? […] Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. […] Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. » Ou encore, plus court : « La dictature s'épanouit sur le terreau de l'ignorance. »

Le « maître du langage » est forcément, dans l’absolu, le maître du Monde. En effet, il a su mettre le Monde à ses pieds. Il a su, par ses capacités supérieures de conviction, mettre les financiers dans sa poche pour l’aider à gagner des élections. D’où, concrètement, l’alliance contemporaine entre le politiquement correct de gauche et l’économiquement correct de droite, concepts de Jean-Claude Michéa abordés dans plusieurs parties de ce livre.

Ensuite, si besoin il y a, le « maître du langage » saura truquer les élections, en arrosant les huissiers devant s’assurer du bon déroulement des premières. Afin de se donner une apparence démocratique, il est institutionnellement capable d’user du parlementarisme dont les corrompus et faux représentants des peuples peuvent s’exprimer ainsi auprès d’eux : « Expliquez-nous quel est votre problème, on vous dira ce qu’il faut en penser. » (Coluche) L’écrivain et philosophe Alexis De Tocqueville (1805-59) nous dit quant à lui : « Je ne crains pas le suffrage universel : les gens voteront comme on leur dira. » Dans l’absolu, bien sûr, une population réellement soumise au « maître du langage » ne peut que voter pour lui, qui n’a plus besoin d’œuvrer avec une myriade de malices pour perdurer.

Le « maître du langage » devenu maître du Monde peut faire toute la propagande qu’il veut. Elle ne concerne pas forcément directement sa personne. Mais en choisissant de faire la une d’un journal avec telle ou telle affaire de société (relevant de la géopolitique au fait divers le plus banal), elle est quand même toujours tournée à son avantage.

Enfin, le maître du Monde peut bien évidemment réécrire l’histoire, redistribuer les cartes des vainqueurs et des vaincus (d’où la partie suivante). Qu’il y ait néanmoins des gens qui ont de la mémoire, le contrôle de leur pensée se fera de sorte qu’ils aient la mémoire courte ou, en tous les cas, sélective. Puisqu’en effet le maître du novlangue contrôle votre psychologie, il ne s’arrête pas qu’à votre pensée, votre flux de conscience, mais il compte bien visiter le tréfonds de votre conscience et même les bas-fonds de votre inconscient.
Orwell écrit : « Un des buts du totalitarisme est non seulement d'assurer que les gens auront les pensées qu'il faut, mais en réalité de les rendre moins conscients. » (Essais, Articles, Lettres volume 4Louison Chimel, extrait des Cahiers d'un Anarchiste conservateur

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