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14/02/2015

Le langage en politique (3/3)

george_orwell_poster-r498b62ece7aa4b15a36a0135be6df661_wvg_8byvr_324.jpgAlors, que défendre et comment résister ? Je donne ici, mais aussi dans d’autres parties, des éléments de réponse. Dans 1984, George Orwell écrit : « Vers 2050, plus tôt probablement, toute connaissance de l’ancienne langue aura disparu. Toute la littérature du passé aura été détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron n’existeront plus qu’en version novlangue. Ils ne seront pas changés simplement en quelque chose de différent, ils seront changés en quelque chose qui sera le contraire de ce qu’ils étaient jusque-là. » En nous inspirant d’Orwell, nous devrions, à l’écrit, mettre des guillemets inversées aux mots dont le sens est régulièrement détourné par les pouvoirs médiatiques et politiques. Ce qui attirerait l’attention du lecteur afin de lui faire prendre conscience que l’utilisation moderne et banalisée des mots en question est insidieuse. Ainsi, même si la liste de ceux-là est longue, nous pourrions, par exemple, écrire » démocratie «, » république «, » socialisme «, » conservateur «. Le concept d’anarchie est lui-même connoté. Dans le langage courant, il est souvent comparé au laisser-faire, au chaos, à l’anomie alors qu’en fait il est politiquement, et plus sérieusement, associé à une vision de l’ordre social absolu demandant entre autres la responsabilisation individuelle.

Parce que nous pouvons bien, à notre époque, concevoir le novlangue comme le langage utilisé par l’élite médiatico-politique qui détourne les mots de leurs vrais sens dans le but d’entretenir sa malhonnête influence sur le peuple.
La définition du « maître du langage » que je donne dans cette partie a elle-même recours au novlangue, à d’insidieuses définitions de mots. Dans ce cas précis, effectivement, ne sont estimables ni le maître ni le langage.
D’autres exemples d’usage du novlangue dans ce passage de George Orwell tiré de son essai La politique et la langue anglaise : « Le langage politique doit […] consister en euphémismes, pétitions de principe et imprécisions nébuleuses. Des villages sans défense subissent des bombardements aériens, leurs habitants sont chassés dans les campagnes, leur bétail est mitraillé, leurs huttes sont détruites par des bombes incendiaires : cela s'appelle la « pacification ». Des millions de paysans sont expulsés de leur ferme et jetés sur les routes sans autre viatique que ce qu'ils peuvent emporter : cela s'appelle un « transfert de population » ou une « rectification de frontière ». Des gens sont emprisonnés sans jugement pendant des années, ou abattus d'une balle dans la nuque, ou envoyés dans les camps de bûcherons de l'Arctique pour y mourir du scorbut : cela s'appelle l' « élimination des éléments suspects ». Cette phraséologie est nécessaire si l'on veut nommer les choses sans évoquer les images mentales correspondantes. »

Toujours dans cet essai, Orwell, en opposition au novlangue, nous dit : « Ce qui importe avant tout, c'est que le sens gouverne le choix des mots, et non l'inverse. » Si, dans un échange ou une lecture, nous devions prendre l’habitude de considérer les mots de l’autre avec les sens qu’il veut bien leur donner et qui différencient des nôtres, l’incompréhension se généraliserait. Un langage aux codes non partagés un minimum est destiné à mourir rapidement. Dans le cas contraire, il aura tendance à coller à une langue qui confère aux mots un sens bien précis.

Quel intérêt, sinon, de vouloir donner un sens nouveau à un mot si ce n’est pour se moquer de la langue, jouer sur une certaine ambiguïté, chercher à tromper l’autre qui n’est pas sûr de ne pas avoir compris puisqu’on utilise pourtant un mot qu’il connaît ? C’est pourquoi il faut être vigilant, chercher parfois à lire entre les lignes, à comprendre pourquoi telle expression linguistique est née et est utilisée de manière récurrente dans les médias.

L'anarchiste conservateur, en ce qui le concerne, entend conserver les langues, nationales ou régionales, comme références d’un langage authentique et résistant au novlangue officiel, envahissant (totalitarisant) et décadent (aussi bien moralement qu’intellectuellement). Louison Chimel, extrait des Cahiers d'un Anarchiste conservateur

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