23/06/2012
Le désir. Partie 3 sur 3
3) Désir et modernité
- Le désir comme manque et dépassement de son manque : Sartre
Le désir est la conscience tout entière en tant qu’elle se dépasse perpétuellement vers des objets au-delà d’elle-même. Le désir représente l’inquiétude existentielle d’une conscience qui n’est jamais en repos. C’est pourquoi il fait corps avec cette in-quiétude (quies = le repos) qui nous meut, qui excite notre activité et nous projette perpétuellement hors de nous mêmes. Le désir est cette incomplétude qui voudrait bien être comblée, mais qui jamais n’y parviendra. Il est la transcendance même (transcendance : littéralement, ce qui traverse en élevant).
« Si le désir doit pouvoir être à soi-même désir, il faut qu’il soit la transcendance elle-même, c’est-à-dire qu’il soit par nature échappement à soi vers l’objet désiré. Le désir est manque d’être, il est hanté en son être le plus intime par l’être dont il est désir. Ainsi témoigne-t-il de l’existence du manque dans l’être de la réalité humaine ».
(Je vous accorde que cette phrase est claire comme du jus de boudin, mais venant d’un fan d’Heidegger, on peut supposer que Sartre a tout de même fait un effort intense de clarification de sa pensée...)
- Le désir comme affirmation de la vie : Spinoza
Désirer, ce n’est pas toujours l’expression d’un manque. Ainsi, pour Spinoza, désirer, c’est vouloir quelque chose parce que la vie nous intéresse. Ne rien vouloir au contraire, ne rien désirer, c’est la preuve que rien ne trouve grâce à nos yeux et que l’on est blasé. En ce sens, le fait d’être attiré par et de vouloir attirer à soi (un objet) peut être un élan positif témoignant d’un réel lien avec la vie. Ainsi, Spinoza a-t-il vu dans le désir un effort pour persévérer dans son être (il nomme cet effort coñatus)
- Le désir comme affirmation de l’esprit : Hegel
Le désir n’est pas seulement porteur de vie (Spinoza), il est porteur d’absolu. Il n’est rien de moins qu’une affirmation de l’esprit. En effet, le désir me met sur la voie de l’humanité. C’est par lui que la conscience aboutit au sentiment d’elle-même et que l’homme se pose véritablement en tant qu’homme. Le désir est manque, certes, mais il est aussi production : production de soi-même comme être autonome. Pour Hegel, l’homme accède à la conscience de soi par le désir.
CONCLUSION
Si le désir est entâché du manque et de la dépossession (je ne désire que ce que je n’ai pas), il est également créateur et producteur (je n’œuvre que pour obtenir ce que je désire). La philosophie classique, teintée de moralisme, a stigmatisé le désir comme aliénation, là où la philosophie "moderne" y a vu une réalisation de soi.
Sujets de réflexion
- Pourquoi le désir ne se ramène-t-il pas au besoin ?
- La libération du désir peut-elle constituer un idéal moral ?
- Le désir est-il seulement créateur d’illusion ?
- Doit-on satisfaire tous ses désirs ?
- Le désir n’est-il que l’expression d’un manque ?
- Pourquoi désirer l’impossible ?
vox-populi.net - Octobre 2004
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