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31/01/2012

Une citation phare pour une étude phare de Albert Camus

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L'absurde naît de cette confrontation
entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde.

Albert Camus dans Le mythe de Sisyphe

29/01/2012

L'art selon Hegel (partie 1)

hegel01.pngL'art est pour Hegel la façon privilégiée par laquelle l'esprit prend conscience de lui-même, se montre en spectacle. L'art a pour but de se représenter soi-même, de mettre notre conscience dans les choses et de la présenter au spectacle des autres. Il est donc de nature intelligible. L'artiste met sa conscience dans les choses pour se montrer aux autres et se voir lui-même. L'art est objectivation de soi, de sa conscience.
Cependant l'idée revêt encore dans l'art une forme sensible et, du reste, Hegel pense que l'Art fait pour nous partie du passé. C'est du reste ce déclin qui permet la venue de l'Esthétique c'est à dire une réflexion philosophique sur l'art.
C'est dans la religion et dans la philosophie que l'Esprit se libère du sensible et atteint l'absolu.

Colette Kouadio - professeur de philosophie

Je donnerai mon avis là-dessus dans la partie suivante. Louison-Antoine

27/01/2012

Une critique originale de l'administration dans le monde d'Astérix


La maison qui rend fou - Les 12 travaux d'Astérix par Eeden_

26/01/2012

Les tourments de Corto

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- Nous sommes fous mais le monde est beau par ses différences.
Et puis on ne sait jamais...
Parle-moi plutôt de ta cousine Pandore.


- Pandore s'est mariée cette année.
Elle a été amoureuse de toi...

24/01/2012

Des mots de La Boétie

1236994441brokenchainpresi.gif"Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres,
et quand vous serez convaincus que le pouvoir
n'existe que parce que vous y consentez,
hé bien n'y consentez plus". (La Boétie)

23/01/2012

Ne confondons pas les Valéry !

Paul Valery a écrit : "La guerre est le massacre de millions de gens qui ne se connaissent pas,
au profit de quelques personnes qui se connaissent, mais ne se massacrent pas."

A quoi, quelques années plus tard, François Valéry - ce n'est pas le même homme - a répondu :
"Dans ce cas, aimons-nous vivants !"

Louison-Antoine

20/01/2012

Plaire à tout le monde ?

Qui cherche à plaire à tout le monde est sûr de ne pas se trouver.

Louison-Antoine

19/01/2012

Extrait de L'anarque

Je vous fais partager un extrait de mon brouillon sur mon essai L'anarque :

" [...] prenons l’exemple d’un amour non partagé. Parlons plus précisément de l’émotion qui en découle et peut être jugée à la fois triste et belle. Les quelques larmes d’un homme rendent humide le sombre rideau qui tombe devant le spectacle de son rêve pourtant si pacifique et sensuel mais à présent achevé. Ces larmes sont certainement les marques d’une résignation qui n’est pas encore tout à fait pleine.
rose.jpg?w=300&h=225Si, comme penseraient l’anarque mais aussi le solipsiste, il fait bon vivre à travers nos rêves, ceux-ci restent toutefois à démarquer nettement d’une réalité qui quelquefois rappelle, avec une intangibilité absolue, le désespoir.
Albert Camus écrit qu’il n'y a pas d'amour de vivre sans désespoir de vivre. Mais peut-il y avoir amour de vivre sans espoir ? Aussi, n’est-ce pas l’amour de vivre ses rêves qui grandit par le désespoir de vivre une réalité ?
Si un homme divorce de tout espoir, il divorce également de ses rêves qui maintiennent cet espoir en vie. La révolte de l’anarque se poursuit malgré tout. Même dans l’abandon de ce genre de rêves. Elle accouche d’un bonheur instantané, qui sera semé d’autres rêves sans espoirs qui le brouillent. L’espérance n’est pas l’espoir. L’espérance sait naître d’une résignation ; et le rêve de l’anarque en est, dans sa psyché, sa représentation. Elle n’a point d’autre fin que d’esquisser au quotidien ce précédent bonheur."

Louison-Antoine

18/01/2012

Quand Corto Maltese veille sur les autres

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14/01/2012

Pauvre gladiateur

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Il existait autrefois un gladiateur sourd.
Il était bouché à l'arène...

Louison-Antoine

12/01/2012

Ethique et morale. Partie 3 sur 3

3) Sagesse pratique

J'aimerais donner le début d'une justification à la troisième thèse énoncée au début, à savoir qu'un certain recours de la norme morale à la visée éthique est suggéré par les conflits qui naissent de l'application même des normes à des situations concrètes. Nous savons depuis la tragédie grecque, et singulièrement depuis l’Antigone de Sophocle, que des conflits naissent précisément lorsque des caractères obstinés et entiers s'identifient si complètement à une règle particulière qu'ils en deviennent aveugles à l'égard de toute autre : ainsi en est-il d'Antigone, pour qui le devoir de donner la sépulture à un frère l'emporte sur la classification du frère comme ennemi par la raison d’État ; de même Créon, pour qui le service de la Cité implique la subordination du rapport familial à la distinction entre amis et ennemis. Je ne tranche pas ici la question de savoir si ce sont les normes elles-mêmes qui s'affrontent dans le ciel des idées - ou si ce n'est pas seulement l'étroitesse de notre compréhension, liée précisément à l'attitude morale détachée de sa motivation éthique profonde. Guerre des valeurs ou guerre des engagements fanatiques, le résultat est le même, à savoir la naissance d'un tragique de l’action sur le fond d'un conflit de devoir. C'est pour faire face à cette situation qu'une sagesse pratique est requise, sagesse liée au jugement moral en situation et pour laquelle la conviction est plus décisive que la règle elle-même. Cette conviction n'est toutefois pas arbitraire, dans la mesure où elle fait recours à des ressources du sens éthique le plus originaire qui ne sont pas passées dans la norme.

Je donnerai trois exemples, pris chacun dans une des trois composantes de l'éthique : estime de soi sollicitude sens de la justice.

Un conflit naît au niveau de la première composante d'estime de soi, dès lors qu'on lui applique la règle formelle d’universalisation dont nous avons dit plus haut qu'elle est le socle de l'autonomie du sujet moral. Or, appliquée à la lettre, cette règle d'universalisation crée des situations conflictuelles, dès lors que la prétention universaliste, interprétée par une certaine tradition qui ne s'avoue pas, se heurte au particularisme solidaire des contextes historiques et communautaires d'effectuation de ces mêmes règles. Nous sommes les témoins et souvent les acteurs, en Europe occidentale, de tels conflits où s'affrontent la morale des droits de l'homme et l'apologie des différences culturelles. Ce que nous ne voyons pas, c'est que la prétention d'universalisme attachée à notre profession des droits de l'homme est elle-même entachée de particularisme, en raison de la longue cohabitation entre ces droits et les cultures européennes et occidentales où ils ont été pour la première fois formulés. Cela ne veut pas dire que d'authentiques universaux ne soient pas mêlés à cette prétention ; mais c'est seulement une longue discussion entre les cultures - discussion à peine commencée - qui fera paraître ce qui mérite vraiment d'être appelé « universel ». Inversement, nous ne ferons valoir notre prétention à l'universalité que si nous admettons que d'autres universaux en puissance sont aussi enfouis dans des cultures tenues pour exotiques. Une notion, paradoxale je l'avoue, se propose : celle d'universaux en contexte ou d'universaux potentiels ou inchoatifs. Cette notion rend le mieux compte de l'équilibre réfléchi que nous cherchons entre universalité et historicité. Seule une discussion au niveau concret des cultures pourrait dire, au terme d'une longue histoire encore à venir, quels universaux prétendus deviendront des universaux reconnus.

Je propose un deuxième exemple de conflit de devoirs que j'emprunte à la sphère éthique de la sollicitude et de son équivalent moral, le respect. J'aurais pu m'attacher à la question rebattue de la vérité due au mourant, ou à celle de l'euthanasie, ou m'engager dans la controverse du droit à l'avortement dans les premiers mois de la grossesse. Je n'aurais pas manqué d'invoquer la sagesse pratique dans des situations singulières qui sont le plus souvent des situations de détresse et de plaider pour une dialectique fine entre la sollicitude adressée aux personnes concrètes et le respect de règles morales et juridiques indifférentes à ces situations de détresse. J'aurais insisté aussi sur le fait que ce n'est jamais seul que l'on décide, mais au sein de ce que j'appellerai une cellule de conseil, où plusieurs points de vue sont en balance, dans l'amitié et le respect réciproques. J'ai préféré prendre un exemple pour lequel il a été fait appel à mon propre jugement dans le cadre d'une discussion au sein d'Amnesty Intemational. Il s'agit de la pratique de la médecine dans des situations à haut risque, comme l'internement psychiatrique, le régime carcéral, voire la participation à l'exécution de la peine capitale, etc. Le médecin consulté dans le cadre de la prison ne peut pas exercer à plein sa vocation définie par le devoir d'assistance et de soins, dès lors que la situation même dans laquelle il est appelé à le faire constitue une atteinte à la liberté et à la santé, requise précisément par les règles du système carcéral. Le choix, pour le médecin individuel, est entre appliquer sans concession les exigences issues du serment d'Hippocrate, au risque d'être éliminé du milieu carcéral, et consentir aux contraintes constitutives de ce milieu le minimum d'exceptions compatibles avec le respect de soi, le respect d'autrui et celui de la règle. Il n'y a plus de règle pour trancher entre les règles, mais, une fois encore, le recours à la sagesse pratique proche de celle qu'Aristote désignait du terme de phronesis (que l'on a traduit par « prudence »), dont l'Éthique à Nicomaque dit qu'elle est dans l'ordre pratique ce qu'est la sensation singulière dans l'ordre théorique. C'est exactement le cas avec le jugement moral en situation.

Le dernier exemple de jugement moral en situation que je propose relève du problème de la justice déjà évoqué deux fois, au plan éthique avec le juste et l'injuste, puis au plan moral avec la tradition contractualiste. Partons du point où nous nous sommes arrêtés avec la conception purement procédurale de la justice chez Rawls. Ce que cette conception ne prend pas en compte, c'est l'hétérogénéité des biens qui sont impliqués dans la distribution par laquelle on a défini les institutions en général. La diversité des choses à partager disparaît dans la procédure de distribution. On perd de vue la différence qualitative entre choses à partager, dans une énumération qui met bout à bout les revenus et les patrimoines, les positions de responsabilité et d'autorité, les honneurs et les blâmes. Rawls lui-même ouvre la voie à une mise en question du formalisme en faisant référence à l'idée de biens sociaux premiers. Or, si l'on demande ce qui qualifie comme bons ces biens sociaux on ouvre un espace conflictuel dès lors que ces biens apparaissent relatifs à des significations, à des estimations hétérogènes. Chez un auteur comme Michael Walzer, dans Spheres of Justice (1983), la prise en compte de cette réelle diversité des biens aboutit à un véritable démembrement de l'idée unitaire de justice, comme le suggère le titre de son livre. Constituent des « sphères » distinctes de justice les règles qui décident des conditions de la citoyenneté ; celles qui se réfèrent à la sécurité et au bien-être ; celles qui ont pour référence l'idée de marchandise, c'est-à-dire la notion de ce qui, par sa nature de bien, peut être ou non acheté ou vendu ; celles qui réglementent l'attribution des emplois, des positions d'autorité et de responsabilité sur une autre base que l'hérédité ou les relations personnelles. Or, les conflits ne naissent pas seulement des désaccords portant sur les biens qui distinguent ces sphères de justice, mais sur la priorité à donner aux revendications attachées à chacune C'est à cette situation embarrassante que doit faire face une nouvelle fois la sagesse pratique.

L'expérience historique montre en effet qu'il n'y a pas de règle immuable pour classer dans un ordre universellement convaincant des revendications aussi estimables que celles de la sécurité, de la liberté, de la légalité, de la solidarité, etc. Seul le débat public, dont l'issue reste aléatoire, peut donner naissance à un certain ordre de priorité. Mais cet ordre ne vaudra que pour un peuple, durant une certaine période de son histoire, sans jamais remporter une conviction irréfutable valable pour tous les hommes et pour tous les temps. Le débat public est ici l'équivalent, au plan des institutions, de ce que j'appelais tout à l'heure le cercle de conseil pour les affaires privées et intimes. Le jugement politique est, ici aussi, de l'ordre du jugement en situation. Avec plus ou moins de chance, il peut être le siège de la sagesse, de ce « bon conseil » qu'évoque le choeur d'Antigone. Cette sagesse pratique n'est plus une affaire personnelle : c'est, si l'on peut dire, une phronesis à plusieurs, publique, comme le débat lui-même. C'est ici que l'équité s'avère être supérieure à la justice abstraite. Parlant de l'équitable (épiéikês) et de sa supériorité à l'égard du juste, Aristote observe : « La raison en est que la loi est toujours quelque chose de général et qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il n'est pas possible de poser un énoncé général qui s'y applique avec certitude. » Et Aristote de conclure : « Telle est la nature de l'équitable : c'est d'être un correctif de la loi, là où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité » (Éthique à Nicomaque, V. 14, 1137 b 26-27). L'équité s'avère ainsi être un autre nom du sens de la justice, quand celui-ci a traversé les conflits suscités par l'application même de la règle de justice. Paul Ricoeur

10/01/2012

Vignette de Corto Maltese. La ballade de la mer salée

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08/01/2012

Quand je te retrouve, Petit rubis

192503.jpgQuand je la retrouve, je me rends compte que j’avais en partie oublié son visage de porcelaine, la forme exquise de sa bouche, son charme innocent…

Quand je la retrouve, je reprends conscience de l’ampleur de sa beauté. Je la regarde toucher ses cheveux. Je regarde ses cheveux plutôt que ses yeux. Ses yeux qui me regardent me font baisser les miens, ou bien je lui souris…

Petit rubis, j’ai du mal à partir. Ce surnom te va si bien.
J’aime effleurer tes doigts fins. Ta voix douce m’est une musique en harmonie avec la délicatesse que tu m’inspires. Tes petits rires me donnent envie de savourer ta jeunesse éclatante.

Je voudrais enfin te dire : « Monte dans ma voiture, Petit rubis. Nous irons sur ces plages où je pourrai m’offrir à ta bouche, nous improviser une couche ensablée, te faire reposer sur moi tes angoisses et tes plaisirs. » Louison-Antoine

05/01/2012

Ethique et morale. Partie 2 sur 3

2) La norme morale

A la deuxième partie de cette étude revient la tâche de justifier la deuxième proposition de notre introduction, à savoir qu'il est nécessaire de soumettre la visée éthique à l’épreuve de la norme. Restera à montrer de quelle façon les conflits suscités par le formalisme, étroitement solidaire du moment déontologique, ramènent de la morale à l'éthique, mais à une éthique enrichie par le passage par la norme et inscrite dans le jugement moral en situation. C'est sur le lien entre obligation et formalisme que va se concentrer cette deuxième partie, en gardant pour fil conducteur les trois composantes de la visée éthique.

A la première composante de la visée éthique, que nous avons appelée « souhait de vie bonne », correspond, du côté de la morale, au sens précis que nous avons donné à ce terme, l'exigence d'universalité. Le passage par la norme est en effet lié à l'exigence de rationalité qui, en interférant avec la visée de la vie bonne, se fait raison pratique. Or, comment s'exprime l'exigence de rationalité ? Essentiellement comme exigence d'universalisation. A ce critère se reconnaît le kantisme. L'exigence d'universalité, en effet, ne peut se faire entendre que comme règle formelle, qui ne dit pas ce qu'il faut faire, mais à quels critères il faut soumettre les maximes de l'action : à savoir, précisément, que a maxime soit universalisable, valable pour tout homme, en toutes circonstances, et sans tenir compte des conséquences. On a pu être choqué par l'intransigeance kantienne. En effet, la position du formalisme implique la mise hors circuit du désir, du plaisir, du bonheur ; non pas en tant que mauvais, mais en tant que ne satisfaisant pas, en raison de leur caractère empirique particulier, contingent, au critère transcendantal d'universalisation. C'est cette stratégie d'épuration qui, menée à son terme, conduit à l'idée d'autonomie, c'est-à-dire d'autolégislation, qui est la véritable réplique dans l'ordre du devoir à la visée de la vie bonne. La seule loi, en effet, qu'une liberté puisse se donner, ce n'est pas une règle d'action répondant à la question : « Que dois-je faire ici et maintenant ? » mais l'impératif catégorique lui-même dans toute sa nudité : « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne loi universelle. » Quiconque se soumet à cet impératif est autonome, c'est-à-dire auteur de la loi à laquelle il obéit. Se pose alors la question du vide, de la vacuité, de cette règle qui ne dit rien de particulier.

C'est pour compenser ce vide du formalisme que Kant a introduit le second impératif catégorique, dans lequel nous pouvons reconnaître l'équivalent, au plan moral, de la sollicitude au plan éthique. Je rappelle les termes de la reformulation de l'impératif catégorique qui va permettre d'élever le respect au même rang que la sollicitude : « Agis toujours de telle façon que tu traites l'humanité dans ta propre personne et dans celle d'autrui, non pas seulement comme un moyen, mais toujours aussi comme une fin en soi. » Cette idée de la personne comme fin en soi est tout à fait décisive : elle équilibre le formalisme du premier impératif. C'est ici qu'on demandera sans doute ce que le respect ajoute à la sollicitude et, en général, la morale à l'éthique. Ma réponse est brève : c'est à cause de la violence qu'il faut passer de l'éthique à la morale. Lorsque Kant dit qu'on ne doit pas traiter la personne comme un moyen mais comme une fin en soi, il présuppose que le rapport spontané d'homme à homme, c'est précisément l'exploitation. Celle-ci est inscrite dans la structure même de l'interaction humaine. On se représente trop facilement l'interaction comme un affrontement ou comme une coopération entre des agents de force égale. Ce qu'il faut d'abord prendre en compte, c'est une situation où l'un exerce un pouvoir sur l’autre, et où par conséquent à l'agent correspond un patient qui est potentiellement la victime de l'action du premier. Sur cette dissymétrie de base se greffent toutes les dérives maléfiques de l'interaction, résultant du pouvoir exercé par une volonté sur une autre. Cela va depuis l'influence jusqu'au meurtre et à la torture, en passant par la violence physique, le vol et le viol, la contrainte psychique, la tromperie, la ruse, etc. Face à ces multiples figures du mal, la morale s'exprime par des interdictions : « Tu ne tueras pas ». « Tu ne mentiras pas », etc. La morale, en ce sens, est la figure que revêt la sollicitude face à la violence et à la menace de la violence. A toutes les figures du mal de la violence répond l'interdiction morale. Là réside sans doute la raison ultime pour laquelle la forme négative de l'interdiction est inexpugnable. C'est ce que Kant a parfaitement aperçu. A cet égard, la seconde formule de l'impératif catégorique, citée plus haut, exprime la formalisation d'une antique règle, appelée Règle d'Or, qui dit : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te soit fait. » Kant formalise cette règle en introduisant l'idée d'humanité - l'humanité dans ma personne et dans la personne d'autrui -, idée qui est la forme concrète et, si l'on peut dire, historique de l'autonomie.

Il me reste à dire quelques mots de la transformation de l'idée de justice lorsqu'elle passe du plan éthique au plan moral. On a vu que cette transition était préparée par le quasi-formalisme de la vertu de justice chez Aristote. La formalisation de l'idée de justice est complète chez un auteur comme J. Rawls dans Théorie de la justice, à la faveur d'une conjonction entre le point de vue déontologique d'origine kantienne et la tradition contractualiste qui offre pour la justification des principes de la justice le cadre d'une fiction - la fiction d'un contrat social hypothétique, anhistorique, issu d'une délibération rationnelle menée dans ce cadre imaginaire. Rawls a donné le nom de fairness à la condition d'égalité dans laquelle sont supposés se trouver les partenaires d'une situation originelle délibérant sous le voile d'ignorance quant à leur sort réel dans une société réelle.

Ce n'est pas le lieu de discuter ici des conditions satisfaisant à la fairness dans la situation originelle (à savoir ce qu'il faut ignorer de sa propre situation et ce qu'il faut savoir sur la société en général et sur les termes du choix). Le point sur lequel je me bornerai à insister, c'est l'orientation antitéléologique de la démonstration des principes de justice, étant entendu que la théorie n'est dirigée que contre une version téléologique particulière de la téléologie, à savoir celle de l'utilitarisme, qui a prédominé pendant deux siècles dans le monde de langue anglaise avec John Stuart Mill et Sidgwick. L'utilitarisme est en effet une doctrine téléologique dans la mesure où la justice est définie par la maximisation du bien pour le plus grand nombre. Dans la conception déontologique de Rawls, rien n'est présupposé, du moins au niveau de l'argument concernant le bien.

C'est la fonction du contrat de dériver les contenus des principes de justice d'une procédure équitable (fair) sans aucun engagement à l'égard de quelque critère que ce soit du bien. Donner une solution procédurale à la question du juste, tel est le but déclaré de la théorie de la justice.

Le premier principe de justice ne fait pas problème pour nous : « Chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base, égal pour tous, qui soit compatible avec le même pour les autres » ; ce premier principe exprime l'égalité des citoyens devant la loi sous la forme d'un partage égal des sphères de liberté. On retrouve l'égalité arithmétique d'Aristote, mais formalisée. C'est le second principe qui fait problème : « Les inégalités sociales et économiques doivent être organisées de façon à ce que, à la fois : a) l'on puisse raisonnablement s'attendre à ce qu'elles soient à l'avantage de chacun ; b) elles soient attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous. »

Nous reconnaissons là le principe aristotélicien de la justice proportionnelle au mérite, mais formalisée par exclusion de toute référence à la valeur des contributions individuelles. Ne vaut que le raisonnement tenu dans la situation originelle sous le voile d'ignorance, tendant à prouver qu'on peut concevoir un partage inégal qui soit à l'avantage de chacun. Cet argument correspond au raisonnement du maximin emprunté à la théorie de la décision dans un contexte d'incertitude. Il est désigné de ce terme pour la raison que les partenaires sont censés choisir l'arrangement qui maximise la part minimale. Autrement dit, est le plus juste le partage inégal tel que l'augmentation de l'avantage des plus favorisés est compensée par la diminution du désavantage des plus défavorisés.

Mon problème n'est pas celui de la valeur probante de l'argument considéré en tant que tel, mais de savoir si ce n'est pas à un sens éthique préalable de la justice que d'une certaine façon la théorie déontologique de la justice fait appel. Sans aucunement mettre en question l'indépendance de son argument, Rawls accorde volontiers que celui-ci rencontre nos « convictions bien pesées » (our considered convictions) et qu'il s'établit entre la preuve formelle et ces convictions bien pesées un « équilibre réfléchi » (reflective equilibrium). Ces convictions doivent être bien pesées, car, si dans certains cas flagrants d'injustice (intolérance religieuse, discrimination raciale) le jugement moral ordinaire paraît sûr, nous avons bien moins d'assurance quand il s'agit de répartir la richesse et l'autorité. Les arguments théoriques jouent alors par rapport à ces doutes le même rôle de mise à l'épreuve que celui que Kant assigne à la règle d'universalisation des maximes. Tout l'appareil de la preuve apparaît comme une rationalisation de ces convictions, par le biais d'un processus complexe d'ajustement mutuel entre les convictions et la théorie.

Or, sur quoi portent ces convictions ? A mon sens, ce sont celles-là mêmes que nous trouvons exprimées par l'antique règle d’Or : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te soit fait. » En effet, en adoptant le point de vue du plus défavorisé, Rawls raisonne en moraliste et prend en compte l'injustice foncière de la distribution des avantages et des désavantages dans toute société connue. C'est pourquoi, derrière son formalisme, pointe son sens de l'équité, fondé dans l'impératif kantien qui interdit de traiter la personne comme un moyen et exige de la traiter comme une fin en soi. Et, derrière cet impératif, je perçois l'élan de la sollicitude dont j'ai montré plus haut qu'il fait transition entre l'estime de soi et le sens éthique de la justice. Paul Ricoeur

03/01/2012

Petit rubis au bord du Mekong

23_vign_tableau-mekong.jpgPetit soleil à la couleur ambrée qui domine ces palmiers d’un vert évident.
La vue sur le Mékong est dégagée, fleuve qui vient rencontrer la terrasse de nos ébats. Je suis resté sur toi longtemps, longtemps…
Je n’arrivais pas à y croire.

De ta bouche violette, tu souriais en me regardant puis en tournant la tête vers cette eau bien pacifique. Elle n’allait effectivement contrarier nos instants brûlants. Comment étais-je parvenu à être vainqueur de ton insouciance ? Cette insouciance qui fait ton âge, qui ne donnerait aucun crédit à mon ressenti ou, dans le cas contraire, se métamorphoserait en peur injuste.
J’étais fasciné par la beauté de tes cheveux très bruns que j’aimais prendre dans mes mains pour les reposer sur ta poitrine et poursuivre mon chemin sur tes seins. Je recouvrais tes petites épaules, comme pour être certain que tu étais bel et bien pour moi maintenant.
Ce n’était qu’un rêve, Petit rubis. Mes séductions ne sont que rêveries.


Un continent de contraintes d’existence nous a d’office partagé.

Peut-être mes rêves sont plus intenses en sachant ce juste désespoir.

Louison-Antoine

02/01/2012

Liberté, par Paul Eluard, en musique