15/12/2015
L'implicite « bombardement idéologique télévisé » (2/2)
Notre cher Pier Paolo Pasolini écrit, quant à lui, dans ses Écrits corsaires il y a quarante-cinq ans : « Le bombardement idéologique télévisé n'est pas explicite : il est tout entier dans les choses, tout indirect. Mais jamais un « modèle de vie » n'a vu sa propagande faite avec autant d'efficacité qu'à travers la télévision. Le type d'homme ou de femme qui compte, qui est moderne, qu'il faut imiter et réaliser, n'est pas décrit ou analysé : il est représenté ! Le langage de la télévision est par nature le langage physico-mimique, le langage du comportement ; qui est donc entièrement miné, sans médiation, dans la réalité, par le langage physico-mimique et par celui du comportement : les héros de la propagande télévisée – jeunes gens sur des motos, jeunes filles à dentifrices – prolifèrent en millions de héros analogues dans la réalité. C'est justement parce qu'elle est purement pragmatique que la propagande télévisée représente le moment d'indifférentisme de la nouvelle idéologie hédoniste de la consommation et qu'elle est donc très efficace. » Nous pouvons, en passant, comparer les consommateurs hédonistes aux libéraux libertaires dès lors que le permissif libertaire devient un excellent faire-valoir du consumérisme donc du néolibéralisme marchand.
D’ailleurs, les propos suivants de Pasolini, concernant son pays l’Italie, peuvent nous éclairer sur les « révolutions » se rapportant aux émeutes françaises de 1968 et même, pour prendre un autre exemple francophone, à la Révolution tranquille québécoise (années 1960). Notre auteur et réalisateur né à Bologne distingue alors deux révolutions imbriquées, ayant « pris place à l'intérieur de l'organisation bourgeoise », à savoir :
– « la révolution des infrastructures ». Ainsi : « Les routes, la motorisation, ont désormais uni les banlieues au centre [du pays], en abolissant toute distance matérielle ; »
– « la révolution des mass media » (donc des médias de grande audience) « plus radicale et décisive » que la précédente dont pourtant elle dépend. Car la première a renforcé le centre du pays. Par la deuxième ensuite, le centre s’est « assimilé tout le pays ».
Par cette double révolution débouchant sur une concentration nationale des pouvoirs économiques, médiatiques et politiques, « une grande œuvre de normalisation parfaitement authentique et réelle est commencée et elle a imposé […] des modèles voulus par la nouvelle classe industrielle, qui ne se contente plus d’un « homme qui consomme » mais qui prétend par surcroît que d’autres idéologies que celle de la consommation sont inadmissibles ».
D’où ma défense d’un confédéralisme réel, ou fédéralisme décentralisateur, remettant en cause les précédents phénomènes de concentration et de standardisation culturelle au profit des démocraties et coutumes locales, plus globalement de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Une dernière remarque, ceci dit, concernant la télévision. Il ne s’agit pas non plus de noircir le tableau concernant son existence. Même s’il est bien rare que je regarde la télé, je sais qu’il existe des chaînes thématiques intéressantes, comme sur l’histoire ou la géographie.
Quant à la modernisation de la télé au sens technique, je visionnais, l’autre jour, sur le site internet de l’Institut national des archives, une vidéo sur l’activité du Mastrou, nom du train assurant des voyages historiques ardéchois situé sur la ligne Tournon-Lamastre. Ce train existe toujours mais la vidéo en question datait, en l’occurrence, des années 1960 et était en noir et blanc. Certes, je ne peux naturellement être nostalgique de cette bichromie puisque je suis d’une génération ayant directement connu la télé en couleur (même si, jusqu’à mes dix ans, l’un des deux téléviseurs de mes parents était en noir et blanc) ; mais, tandis que cette vidéo montre des plans des paysages de la nature ardéchoise, je me suis fait tout simplement remarquer que la couleur permettait quand même de mieux apprécier ces derniers.
Au passage, ce genre de site internet est intéressant dans la mesure où il permet de revisiter le passé, par des archives télé et radio. Comme quoi, nous pouvons nous servir de la modernité technique (en l’occurrence, Internet) pour de belles raisons ; en l’occurrence, pour découvrir l’histoire. Louison Chimel, Les Cahiers d'un Anarchiste conservateur
13:00 | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.