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12/06/2015

L'anarchisme conservateur et l'anarchisme de droite (2/3)

0YhY9LAP0kzGUQBEBYkK8R0btgk.jpg(Extrait de mon prochain livre Anarchiste conservateur, Louison Chimel)
L’attachement de l’anarchiste de droite à une certaine aristocratie peut parfois lui faire regretter le régime monarchique sous lequel on retrouvait une aristocratie officielle avec la noblesse d’épée. Jacques Laurent, l’un des Hussards – mouvement littéraire hétéroclite de droite, opposé à l’existentialisme et aux intellectuels de gauche (dont Jean-Paul Sartre) mais aussi au gaullisme – écrit : « Le pouvoir est méprisable, non parce qu’il est bas en lui-même mais parce qu’il est bas de le vénérer. » Pensée pouvant très bien coller à celle d’un quelconque anarchiste de droite.
(Les citations de ce paragraphe sont tirées de l’entretien de François Richard pour la revue Éléments en 1991). La chose spécialement intéressante chez l’anarchiste de droite, c’est son insistance sur l’effort individuel afin de concilier intégrité et bienveillance – du moins à l’égard de ceux qu’il apprécie et tient pour respectable. Si l’anarchiste de droite joue l’anti-modèle, c’est parce qu’il cherche à faire bouger les lignes, à choquer les mentalités afin de les élever moralement. Le « refus de toute autorité instituée » est « compensé » par une « révolte individuelle au nom de principes aristocratiques ». Il ne s’agit pas d’attendre que des individus prétendument exemplaires nous montrent la voie à prendre mais de la trouver nous-mêmes, d’être nous-mêmes exemplaires. C’est en cela qu’il y a croisement d’une éthique aristocratique avec une éthique anarchiste. Soient « une synthèse entre les aspirations libertaires de l’homme (anarchisme) et son esprit de rigueur (celui d’une droite aristocratique) » ou encore une harmonie « entre le culte de l’exigence et celui de la liberté ».
Ceux qui ont lu mon livre sur L’Anarque remarqueront que, telle que je la conçois, la figure de ce dernier peut faire penser à un anarchiste de droite. Toutefois, la teneur de l’éthique de l'Anarque est plus profondément anarchiste dans le sens où elle ne s’arrête pas notamment à la non-reconnaissance intérieure des hiérarchies mais s’inscrit dans une sensibilité anticapitaliste digne des anarchistes sociétaires (socialistes ou communistes) tandis que l’idéal économique et social de l’anarchiste de droite reste flou.

L’anarchiste de droite est un amoureux de l’ivresse pour diviniser sa destinée. Attention, il n’est pas l’anarchiste chrétien – trop sage, idéaliste et prude par rapport à lui.
L’anarchiste de droite est fraternel, surtout avec les individus du même sexe que lui. Et comme il est très généralement un homme… Les femmes ne trouvent pas souvent leurs places au sein des « confréries » anarcho-droitistes. Elles devront mettre en sourdine leur éventuelle discours égalitaire pour accepter une complémentarité faisant le moins d’ombre possible à la virilité de l’anarchiste de droite, qu’il expose moins par sa force physique que par sa force morale et sa vivacité d’esprit. J’ai, sinon, parlé de « confréries » mais il faut bien mettre des guillemets. Chez les anarchistes de droite, pas de rituel ni de symbolique collective particulière. Ils ne se prennent pas assez au sérieux pour ce genre de choses. Et même, ils moqueront ceux qui en ont. Ivresse oblige, leur fraternité peut, en soirée, reposer sur une consommation partagée d’alcool jouant le rôle de médiateur. D’où les films que j’aime beaucoup : Un singe en hiver et surtout Les Tontons flingueurs. Leurs dialogues sont de l’admirable Chimel Audiard. D’ailleurs, selon lui, « les hurluberlus, les mabouls, on ne les trouve qu'à droite. La droite est branque, il ne faut jamais l'oublier ». Tandis qu’à gauche, « c'est du sérieux », poursuit-il dans le livre Audiard par Audiard. Les gens de gauche « ne sont pas très indulgents avec les idées des autres ». D’ailleurs, il nous dit : « C’est la gauche qui me rend de droite. »
Audiard admirable ? Il sait manier la langue de sorte que se rencontrent et se croisent habilement ses meilleurs formulations d’hier et d’aujourd’hui, les génies des langages soutenu et familier (argot des brigands en l’occurrence). En bon anarchiste de droite, Audiard aurait-il favorisé la réconciliation entre « le populo et l'aristo » ? Cette expression est de l’essayiste Sébastien Lapaque que je continue de citer, à travers un article paru dans Marianne en juillet 1999. Il nous dit : « Dans Les Tontons flingueurs, la jactance du café du Commerce fusionne avec la langue du XVIIe siècle. « On ne devrait jamais quitter Montauban », lâche Ventura, qui cause soudain comme La Rochefoucauld. Il n'est d'ailleurs pas anodin que le trio Lautner-Simonin-Audiard ait écrit le scénario au Trianon Palace à Versailles. Gavroche chez le Roi-Soleil ! Une ironie que le jeune cinéma français rasoir et minimaliste d'aujourd'hui est incapable d'assumer : les intellos de gauche n'aiment ni les bistrots ni les châteaux. » Dans ce film, Lino Ventura joue le rôle principal. Georges Lautner en est le réalisateur. Albert Simonin est le célèbre auteur de la trilogie de romans policiers concernant le personnage Max le Menteur : Touchez pas au grisbi, Le cave se rebiffe et, justement, Les Tontons flingueurs, tous trois adaptés au cinéma.

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