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23/04/2015

Pasolini et l'amour des gens simples (3/3)

Pratt.gifNOTES (1) Pasolini est mort assassiné en pleine nuit sur la plage d’Ostie, ville proche de Rome. Les circonstances de sa mort restent controversées. Peu avant sa mort toutefois, nous pouvons préciser que l’écrivain avait commencé un roman politique nommé Petrolio parlant des liens entre les dirigeants politiques italiens, la mafia et la société italienne d’hydrocarbures E.N.I.

(2) Parallèlement à ces propos de Pier Paolo Pasolini, je souhaite mettre ceux de Hugo Pratt, l’auteur des bandes dessinées de l'anarque Corto Maltese, dans son livre Le désir d'être inutile : « A cette école primaire, quand j’avais sept ans, il m’est arrivé un incident étrange. A la suite d’une insolation, j’ai perdu la mémoire. Je suis resté pendant six mois en état de choc, ne me souvenant plus que d’une grande lumière, puis je suis brusquement redevenu normal. Pendant toute cette période, on m’avait mis dans une section spéciale de mon école, réservée aux élèves déficients mentaux. Nous étions huit, et devions porter un uniforme noir, alors que les élèves normaux étaient habillés en blanc. Quand je me suis comme réveillé, on m’a redonné l’uniforme blanc, et les élèves considérés comme débiles m’ont demandé : « Mais qu’est-ce que tu fais là, habillé en blanc comme tous ces cons ? » J’ai finalement préféré rester avec ces sept élèves, j’avais plus d’amitié pour eux que pour les autres. Je me demande si certains ne faisaient pas semblant d’être déficients mentaux, car on était moins exigeants pour les élèves de cette section. Ce qui m’intrigue aussi, c’est que ces sept élèves s’en sont bien tirés plus tard. L’un d’eux vend des souvenirs aux touristes, place Saint-Marc, à Venise. A chaque fois qu'il me voit, il s’exclame : « Hugo, tu te rappelles quand nous étions dans notre école de débiles ? » Quand je me promène avec, par exemple, un éditeur, c’est une phrase qui fait sensation. »

(3) Hommage à l’écriture poétique de Pasolini avec un extrait de son recueil autoédité Poésie à Casarsa (1941-42) :

« J’ai le calme d’un mort :
je regarde le lit qui attend
mes membres et le miroir
qui me reflète absorbé.
Je ne sais vaincre le gel
de l’angoisse, en pleurant,
comme autrefois, dans le cœur
de la terre et du ciel.
Je ne sais feindre ni calme
ni indifférence ou autres
exploits juvéniles
couronnes de myrte ou palmes.
Ô Dieu immobile que je hais,
fais que jaillisse encore
vie de ma vie,
peu m’importe comment. » 

Louison Chimel dans Anarchiste conservateur (livre non encore paru)

20/04/2015

Décès de l'instructeur de boxe française Jean Lafond : hommage en vidéo

« La boxe française est un jeu hardi, imprévu, étincelant,
plein d'illuminations romantiques. » (Théophile Gautier)

18/04/2015

Pasolini et l'amour des gens simples (2/3)

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Notre cinéaste italien, né à Bologne, a été enseignant. Sous le régime fasciste de la République sociale italienne (1943) Pasolini assure chez lui, à Casarsa della Delizia, des cours pour les lycéens qui, à cause des bombardements, ne peuvent plus regagner leurs établissements scolaires. A savoir : Susanna, la mère de Pier Paolo – avec qui elle vit – a été institutrice à Casarsa. A cause des agitations dues à la guerre, l’écrivain et sa mère partent habiter, en octobre 1944, à Versuta, bourg de Casarsa situé à trois kilomètres du centre de la commune. Dans cette nouvelle habitation, ils vont faire idem : assurer des cours dans leur domicile. Et ce, pour les enfants trop loin de l’école encore ouverte. Entre-temps, Guido, le frère de Pier Paolo engagé dans la résistance, meurt dans l’épisode appelé le Massacre de Porzus (1945). Malgré la triste nouvelle, Pier Paolo continue d’assurer les cours chez lui. En 1946, grâce à sa thèse intitulée L’Antologia della poesia pascoliana : introduzioni e commenti, le futur cinéaste, adepte de la poésie(3), est officiellement reconnu enseignant. En 1948, il donne des cours de littérature à l’école de Valvasone.

Je connais des gens qui sont peu allés à l'école. Ils n'écrivent pas correctement le français. Ils ont, dans leur vie, lu très peu de livres voire pas du tout. Pourtant, je suis loin de trouver qu'ils sont épargnés par la grâce, pour reprendre le terme pasolinien. Maintenant, la condition d’analphabète peut rendre malheureux dans bien des situations… 

Dans tous les cas, c'est moins la connaissance pour elle-même qui est à honorer – soviétisme et nazisme sont des idéologies se voulant très réfléchies – que la conscience morale à l'intérieur de cette connaissance. Aussi, il faut que la connaissance, quel que soit son degré, sache laisser une place non négligeable aux sentiments. Il faut espérer, même chez celui qui a fait de « hautes études », une intacte conservation de la moralité et de la sentimentalité. Dans un sens, un grand degré de connaissance doit nous ramener à l’essentiel :
– naturel, nous rappelant qu’avant de penser nous ressentons, nous sommes disposés au sentiment ;
– culturel, nous rappelant l’importance de la morale au sens large, notre volonté à faire société et à détenir un bon sens partagé. Louison Chimel dans Anarchiste conservateur (livre non encore paru)

12/04/2015

Pasolini et l'amour des gens simples (1/3)

Pour commencer cette partie, un point étymologique sur la sensibilité morale. Il nous éclaire pour la suite. Sensibilité vient du latin sensibilitas, faculté de sentir. Or naturellement, la faculté de sentir est également la sentimentalité. Pour être réceptif, il faut être sensible. Pour sentir, il faut être en mesure de recevoir. Sentimentalité et sensibilité sont synonymes par la réceptivité naturelle dont elles dépendent. On est alors touché par le comportement d’un individu, que ce soit purement affectivement ou bien moralement. Le second cas concerne la sensibilité morale. Elle est donc :
– la sentimentalité qui interroge notre discernement moral, nos visions spontanées de ce qui est bon de faire (éthique), de ce qui est bien ou mal (morale) ;
– notre moralité naturelle, notre faculté au discernement moral comme une des conséquences directes de notre réceptivité. 

Il existe une idée consistant à dire qu’il n’y a pas besoin d’être très instruit ou d’avoir fait de « hautes études » pour posséder cette élémentaire sensibilité morale dès qu’elle touche le plus grand nombre et s’incarne dans la Décence des gens ordinaires, la Common decency. George Orwell, l’inventeur de ce dernier concept se serait, je pense, bien entendu avec l’homme que je veux maintenant citer. Il s’agit du cinéaste, écrivain et journaliste italien Pier Paolo Pasolini (1922-75) (1) dans une entrevue : « Le type de gens que j'aime beaucoup plus sont ceux qui, éventuellement, n'ont même pas terminé l'école primaire, c'est-à-dire les gens absolument simples, mais ne mettez pas de la rhétorique dans ma déclaration, je ne fais pas de la rhétorique. Je dis cela parce que la culture de la petite bourgeoisie, du moins dans mon pays, mais peut-être aussi en France et en Espagne, est quelque chose qui conduit toujours à la corruption et l'impureté ; tandis qu'un analphabète, celui qui a accompli les premières années d'école primaire, garde toujours une certaine grâce, qui se perd par la suite à travers la culture et se retrouve finalement à un très haut degré de culture. » (2)

Je n’adhère pas aux généralisations de Pasolini qui découlent de cet extrait. Pasolini serait un marxiste conservateur (...) plutôt qu’un anarchiste conservateur, comme Orwell. Sa lecture de classes est catégorique. Mon anarchisme conservateur, au nom de la considération de l’unicité de chacun, m’empêche de faire une généralisation sur les aspirations et comportements des individus qui composent une classe sociale en particulier. Et en même temps, il valide globalement la lecture de classes marxiste.

Il faut cesser, dans tous les cas, de trouver démagogique la moquerie de la richesse matérielle au profit de la richesse spirituelle. En outre, il ne faut pas voir, dans les propos de Pasolini, la justification ou une défense pure et simple du non-accès au savoir. Louison Chimel dans Anarchiste conservateur (livre non encore paru)

06/04/2015

Heureuses fêtes de Pâques

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02/04/2015

Liberté, authenticité et risque contre autorité, par P.-P.Pasolini

images?q=tbn:ANd9GcQvJvfk7Jdnt6uzsEcCyJlOoIy9T7lawpnUz6Wcu7XMUzR1EiNm1bJnU9tz1g« Une idée qui semble immédiatement aberrante à une personne normale : pour écrire quelque chose, il faut que quelqu'un possède une « autorité ». Sincèrement, je ne comprends pas comment on peut avoir une telle idée en tête. J'ai toujours pensé, comme n'importe quelle personne normale, que derrière qui écrit doit se trouver la nécessité d'écrire, la liberté, l'authenticité, le risque. Penser qu'il doive y avoir quelque chose d'officiel et de social qui « fixe » l'autorité de quelqu'un est une pensée […] évidemment due à la déformation subie par qui ne sait plus concevoir la vérité en dehors de l'autorité.
Moi, je n'ai derrière moi aucune autorité, sinon celle qui me vient paradoxalement de n'en pas avoir et de ne pas en avoir voulu. » (Pier Paolo Pasolini, Ecrits corsaires)