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04/02/2012

Les socialistes utopiques du XIXe siècle : Robert Owen

Robert-Owen-portrait-198x300.jpg1) Eléments biographiques
Robert Owen naît en 1771 au Pays de Galle. Parti de rien, il emploie 500 ouvriers alors qu'il n'a que 20 ans et devient, en 1800, grâce à un riche mariage, propriétaire d'une importante filature de coton de 1000 employés à New Lanark en Ecosse. Il en fait une usine modèle, luttant pour améliorer la condition ouvrière. Il refuse en particulier d'employer les enfants de moins de 10 ans, crée jardins d'enfants et cours du soir.
Voulant généraliser ses principes il intervient auprès du pouvoir mais perd progressivement ses soutiens politiques. Ses projets de « villages de coopération » ne parviennent pas à se réaliser et il part aux Etats-Unis en 1824. Il s'agit de mettre en place une communauté autonome de 500 à 2000 personnes avec édifices publics, cuisine, réfectoire, école, bibliothèque etc. Ce sera l'éphémère communauté de New Harmony dans l'Indiana où Owen achève d'engloutir sa fortune. La communauté disparaît en 1827.
De retour en Angleterre en 1829, il met en place un réseau de coopératives, puis un système de bourse du travail et enfin, en 1834, une union syndicale, La Grand National Consolidated Trades Union elle aussi éphémère. Face à tous ces échecs, il décide de publier sa doctrine et écrit de 1834 à 1845 le Livre du nouveau monde moral. Il participe à la naissance d'un mouvement appelé socialisme à travers plusieurs regroupements. Ce socialisme atteint son apogée vers 1840 où il touche des dizaines de milliers d'ouvriers et d'artisans dont l'enthousiasme conduira à la création de l'exploitation communautaire de Queenwood, dans le Hampshire en 1839. Son échec en 1845 entraîne l'effondrement du mouvement.
Owen continue jusqu'à la fin de sa vie de multiplier les projets de réforme sociale, harcelant les gouvernements du monde entier. Il meurt en 1858. Son influence sur les utopistes français, notamment Cabet, fut importante.

2) La pensée de Robert Owen
Robert Owen pense qu'il suffit de contempler le bien pour le faire et est hostile à toute méthode violente. Il faut une « révolution par la raison ». La méchanceté a son origine dans le jugement faux et l'origine des maux de l'espèce humaine se situe dans des connaissances inadéquates. Autrement dit, les conditions du bonheur sont d'abord données par la sortie hors de la caverne et la tâche sociale consiste à passer des ombres vers la vraie vie, vers le soleil de l'intelligible. On est ici dans une optique platonicienne.
L'homme subit le poids de l'ignorance mais aussi des circonstances.  « Des opinions fausses, la plus pernicieuse n'est-elle pas la croyance en la liberté de la volonté ? » L'homme ne se fait pas mais subit. Il est la proie de la situation, du réel  « L'homme ne forme pas lui-même son caractère, on le lui forme » Owen croit en un déterminisme mécaniste strict.  « L'homme est un être composé dont le caractère est formé de sa constitution ou de l'organisation qu'il apporte en naissant et des effets des circonstances extérieures »
Si la volonté est impuissante, l'idée de mérite s'évanouit. Le système de sanction perd sa raison d'être. S'il n'y a point de liberté, il n'y a point non plus de responsabilité. Dans l'univers d'Owen, privé de l'illusion de la liberté, tous peuvent s'accepter réciproquement et vivre en communauté. Les individus innocents se rapprochent en s'unissant sans défiance. Le tout est de déculpabiliser totalement l'être humain.
Le projet d'Owen est un projet de rationalité totale. Il faut extirper, arracher tout élément contraire à la raison. C'est un effet de la philosophie des Lumières, peut-être plus présente chez Owen que chez tous les autres penseurs socialistes. La raison, en bataille contre les préjugés, remet le monde sur sa tête. Il faut repousser le monde du maître et de l'esclave. La tyrannie est contraire à la raison mais aussi les mauvaises passions, les guerres, les crimes, la désunion etc.
Il faut une religion rationnelle qui est étrangère aux religions du monde. Les religions ont opposé les hommes, la vraie religion les unira dans l'application du savoir.  « La vraie religion consiste uniquement dans l'acquisition de la connaissance du vrai et son application à la pratique, conformément aux faits et lois de la nature humaine »
On trouve chez Owen, l'idée que les forces productives peuvent créer « une surabondance de richesse pour tous » Le travail est source de richesse et dans un système scientifiquement géré, il est facile de produire au-delà des besoins. La limitation des ressources est seulement due au profit et à l'économie égoïste.
La première tentative de réalisation de ces idées est celle de New Lanark. Owen trouve une communauté où règne vice et immoralité (ivrognerie, vol etc.) Il pense que nulle punition ni sanction ne sont fondées mais qu'il faut agir sur les circonstances. Il faut introduire de nouvelles causes pour produire de nouvelles habitudes. Il agit sur le petit groupe d'ouvriers qui lui semble le plus intelligent et s'efforce d'expliquer ses intentions. Il augmente les salaires et diminue la durée du temps de travail à 10 h. par jour. Il parvient à faire baisser le prix de la nourriture et de l'habillement pour augmenter le confort des ouvriers en baissant ses propres profits et réussit à faire de New Lanark un établissement modèle. Il institue un nouveau système d'éducation où n'existe plus de punition ni de récompense mais où il s'agit d'expliquer aux enfants les conséquences de leurs actes. Montrer les mauvaises conséquences c'est faire appel à la raison pour orienter vers le bien. Il faut suivre le plan de la nature et les enfants ne doivent pas travailler avant 12 ans.
New Lanark est une éclatante réussite. Les ouvriers deviennent des êtres normaux. Néanmoins ces ouvriers restent ses esclaves et Owen comprend que pour corriger cela il faut admettre que la propriété privée est irrationnelle : « Ces gens étaient des esclaves à ma merci toujours susceptibles à n'importe quel moment d'être congédiés et sachant que dans ce cas ils devaient tomber dans la détresse après ce bonheur limité dont il jouissait maintenant »
Le travail humain engendre une richesse supplémentaire qui échappe aux ouvriers. La population de New Lanark (2500 personnes) produit autant de valeurs que 600 000 personnes moins d'un siècle auparavant. Où est partie la différence ? Elle est aux mains des propriétaires Owen se rapproche des conceptions communistes.
Puisque le travail est objet de vol, il faut une société coopérative plus juste et morale. Il faut créer un village communautaire. Owen pense que le système fera boule de neige, que la communauté parfaite sera imitée par tous. Il réunit 800 personnes mais sans lien réel entre elles, sans visée commune. La communauté est créée le 1er mai 1825. Une anarchie totale règne dans la production. Chacun vit à sa guise sans ordre de répartition du travail. Tout est laissé à l'arbitraire des bonnes volontés individuelles. Owen veut alors un droit à la satisfaction identique des besoins mais l'effort fourni pour cela n'occupe plus la première place de ses préoccupations théoriques. La communauté se perd en vaines discussions et la paresse se généralise. A New Harmony chacun s'efforce d'exploiter son prochain le plus possible. C'est l'échec.
Owen rentre en Angleterre. Son optimisme s'oppose au principe de la lutte des classes  « Que ce soit donc la raison, la discussion saine, et non la passion, le préjugé, l'esprit partisan ou toute autre mesquinerie qui caractérisent désormais l'organe officiel et public du syndicat unifié » Il n'y a dans cette philosophie aucune conception du « négatif » creusant l'esprit d'une époque, aucun concept de la révolution. L'éclat du vrai seul doit agir.

Colette Kouadio - professeur de philosophie

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