19/11/2011
Eumeswil, le chef d’oeuvre d’Ernst Jünger
Le crédo de l’anarque est la liberté. Elle n’est pas dépendante d’une époque, d’un lieu, ou d’un régime politique, elle est sa propriété. Il n’ambitionne pas de changer le monde, d’améliorer la société, d’octroyer de force cette liberté à tous. Sa liberté est intérieure, c’est une philosophie de vie, presque une ascèse. C’est dans son rapport à l’anarchiste que la définition de l’anarque se laisse le plus facilement saisir. L’anarque au contraire de l’anarchiste n’est pas l’ennemi de l’autorité, il se l’approprie. Il ne désire pas détruire la société, il s’y insère, tout en la tenant à distance.
« L’anarque peut revêtir tous les déguisements. Il reste en n’importe quel endroit où il se trouve bien, mais si cela ne lui convient plus, il s’en va. Il peut, par exemple, travailler tranquillement derrière un guichet ou dans un bureau. Mais quand il le quitte le soir, il joue un tout autre rôle. Persuadé de sa propre indépendance intérieure, il peut même montrer une certaine bienveillance à l’égard du pouvoir en place. Il est comme Stirner, c’est un homme qui, à l’occasion, peut faire partie d’un groupe, entrer dans des liens de communauté avec une chose concrète; fort peu avec des idées. L’anarchiste est souvent idéaliste; lui, au contraire, est pragmatique. Il voit ce qui peut lui servir, à lui et au bien commun, mais il est fermé aux excès idéologiques. C’est en ce sens que je définis la position de l’anarque comme une attitude tout à fait naturelle. En premier lieu il y a l’homme, et son environnement vient ensuite. Telle est la position que je préfère actuellement. » – Julien Hervier, Entretiens avec Ernst Jünger
« Anarchique, chacun l’est : c’est justement ce qu’il y a de normal. Toutefois, dès son premier jour, son père et sa mère, l’Etat et la société lui trace des limites. Ce sont là des rognements, des mises en perce de l’énergie innée auxquels nul n’échappe. Il faut bien s’y résigner. Pourtant, le principe d’anarchie reste au fond, mystère dont le plus souvent son détenteur n’a pas la moindre idée. Il peut jaillir de lui sous forme de lave, peut le détruire ou le libérer.
Il s’agit ici de marquer les différences : l’amour est anarchique, le mariage non. Le guerrier est anarchique, le soldat non. L’homicide est anarchique, mais non l’assassinat. Le Christ est anarchique, Saint-Paul ne l’est pas. Comme cependant l’anarchie est la normale, elle existe aussi en Saint-Paul et explose parfois violemment en lui. Ce ne sont pas là des antithèses mais des degrés. L’histoire mondiale est mue par l’anarchie. En un mot : l’homme libre est anarchique, l’anarchiste ne l’est pas.
« A Eumeswil, d’une manière générale, on est tolérant par principe ; il y a toute une foule de choses qui ne sont pas permises, mais sans être interdites, et avec elles une zone de pénombre, en marge de la légalité, qui s’harmonise à l’atmosphère rêveuse d’une taverne. »
Le recours aux forêts, thème central, c’est la porte de sortie que se ménage l’anarque. Le refuge qu’il prend soin de dénicher, d’aménager à ses besoins, avant que la situation ne l’exige. C’est une sécurité, sa paix de l’esprit. Ce qui lui permettra, le moment venu, de se mettre au vert quelques temps, avant que l’atmosphère ne redevienne respirable. Tel la souris rousse qui vit à l’écart des habitations, il disparait de la circulation. L’anarque refuse bien entendu, de reconnaître la loi qui restreint sa souveraineté, mais il retarde le plus possible son passage dans l’illégalité. Il n’est pas comme le criminel qui cherche à l’enfreindre, ou le partisan qui veut la modifier, il n’est ni pour ni contre. Il modèle sur elle sa conduite par opportunisme.
Extrait de l'article de http://ilikeyourstyle.net sur Eumeswill
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