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16/07/2013

Hommage à Léo Ferré

(Je sais que ce blog est un peu en pause. Je reviens sous peu. Deux livres, de mon côté, sortent cette année. Dont L'Anarque. A bientôt.)

Je commencerai par une anecdote. Picasso est installé à la table d'un restaurant. Pour s'occuper pendant que son plat est préparé, il dessine un croquis sur une nappe en papier. Le serveur, qui reconnaît le peintre lorsqu'il sert celui-ci, lui demande de lui donner ce dessin qu'il vient de réaliser. Picasso refuse. Le serveur, interloqué, insiste en argumentant le fait qu'il n'a fallu que quelques minutes à l'artiste pour produire ce qui s'offre à ses yeux. Picasso alors lui répond : « Non, c'est l'oeuvre de toute une vie ».
Cette histoire illustre assez bien la façon dont fût écrite la chanson C'est extra. Nous sommes fin 1968, les évènements de mai se sont soldés par une retour politique de l'ordre et de la sécurité, mais pourtant le livre de la contestation est dorénavant grand ouvert. Léo, comme d'autres, y plantera sa plume. L'agitation ambiante, qui n'est plus dans la rue mais dans les esprits, inspire le poète. En fuite conjugale, celui-ci se réfugie en Ardèche, dans une maison à louer. Un petit matin, un vieux piano s'offre à lui et Léo lui concèle alors ses notes. C'est extra est composé d'un jet, sans artifice. Le succès sera immense.

Une robe de cuir comme un fuseau
Qu'aurait du chien sans le faire exprès
Et dedans comme un matelot
Une fille qui tangue un air anglais

Léo figure une jeune femme dans cette évocation marine, cette femme qui troublerait l'eau dans laquelle « un nageur qu'on attend plus » se noyerait dans sa plus profonde intimité.
1969 naît et Léo offre au public un slow torride. Il participe à sa façon à l'érotisation des coeurs, dont Gainsbourd sera le chantre. Le poète fait état d'une lente montée vers la jouissance, simulant en rythmique cette petite mort qui nous va si bien, nous les hommes.

Ces mains qui jouent de l'arc-en-ciel
Sur la guitare de la vie
Et puis ces cris qui montent au ciel
Comme une cigarette qui prie
C'est extra
Des bas qui tiennent haut perchés
Comme les cordes d'un violon
Et cette chair qui vient troubler
L'archet qui coule ma chanson
C'est extra

Lorsque la poésie est au service du désir, la vulgarité se noie dans un bain de jouissance. Tout ici n'est que subtilité classant le sexe au rang de l'art, pour être consommé puis consummé comme une cigarette qui prie.
Le succès est immédiat, Léo colorant son texte d'une musique d'époque, planante et sensuelle comme un de ces « Moody blues qui chantent la nuit comme un satin de blanc marié ».

A tous ceux et toutes celles qui ont pensé, ne serait-ce qu'une micro-seconde, que Léo Ferré était misogyne, cette chanson est une réponse lumineuse. Car oui, il l'était certainement, mais d'une façon si divine qui pardonne tous les écarts. Léo répondait d'ailleurs ainsi, lorsqu'on le taxait de misogynie :
« Misogyne, on me le dit souvent. Je le suis, mais misogyne, c'est un homme qui aime trop les femmes ».

http://jefka.over-blog.com/categorie-10919127.html

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