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02/10/2011

Sur la liberté. Partie 2 sur 3

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LIBERTE POLITIQUE- PEUT-ON SE LIBERER DES RAPPORTS DE DOMINATION ?

1- Introduction problématique

Vivre ensemble crée des rapports de domination issus du conflit entre les intérêts individuels et les intérêts communautaires. D’un côté, la communauté opprime les individus craignant leur créativité déstabilisatrice. De l’autre, les individus aspirant à une liberté sans contrainte ignorent plus ou moins la justice et produisent des rapports de domination qui fragilisent le groupe. La vie politique (en grec « politique » signifie l’art de vivre ensemble dans la même cité) peut être vue comme l’art d’échapper à ces deux dangers. La liberté politique apparaît quand la créativité individuelle se libère des rapports de domination et que simultanément la puissance de l’action communautaire croît.

2 - Quels individus veulent être libres ?

Dans Les frères Karamazov de Dostoïevski, l’inquisiteur justifie sa démarche en disant : « est-ce que des révoltés peuvent être heureux ? ». Pour lui, seule la soumission aux croyances communautaires garantit la tranquillité et finalement le bonheur individuel. Ceci montre la tendance des individus à nourrir la domination communautaire contre ceux qui voudraient mettre en cause ses lois et ses croyances. Le conflit entre les intérêts individuels et les intérêts communautaires a lieu en chaque individu composant une communauté car les obligations sociales sont déposés en chacun. Il n’y a donc pas de libération politique sans un changement de mentalité individuel.

3 - Le courage de la dissidence face à la tyrannie

La Boétie, philosophe français du XVIe siècle montre que la tyrannie n’est pas seulement ce pouvoir injuste d’un seul sur toute une communauté. Le tyran trouve sa force dans la conjonction de ses intérêts avec ceux d’un groupe de complices. Ce groupe hiérarchique de complices étend ses ramifications dans toute la société si bien que personne n’ose proclamer sa révolte, craignant d’être seul contre tous. Les systèmes communistes des pays de l’est se sont ainsi prolongés jusqu’en 1989 alors que la majorité n’y croyait plus depuis longtemps. La prise de conscience d’un pouvoir de changer une telle situation politique n’a lieu pour cette large majorité que si certains individus isolés ont d’abord le courage de la dissidence face à la tyrannie.

4 - L’idéal de la volonté générale

Quand le rapport de domination oppose clairement un groupe organisé au reste du peuple, une dissidence peut la pointer. Mais aujourd’hui dans les sociétés démocratiques occidentales, les croyances communautaires sont centrées sur la tolérance, le sens des libertés individuelles. Les rapports de domination en général sont donc dispersés, multiples et s’entrecroisent : l’un exploite l’autre dans un sens tandis que ce même autre l’exploite par ailleurs. Comment trouver alors un équilibre entre individu et communauté ? Comment nos sociétés peuvent-elles aller vers plus de cohésion sans nier la créativité individuelle ? Une politique axée sur la répression nécessaire des actes criminels ne suffira jamais. Car cette criminalité estime que ceux qui proposent une telle politique de répression masquent à peine l’immoralité de leurs propres activités économiques. Seul un nouveau sens du dialogue démocratique permettra d’harmoniser les diverses morales existantes sans nier leur diversité et leur créativité. Rousseau distingue la volonté générale de la volonté de tous. La volonté de tous est un consensus obtenu par un compromis où chacun cède sur certaines exigences. La volonté générale entend intégrer toutes les exigences individuelles dès lors qu’elles ne s’opposent pas au bien commun. Cet idéal d’une volonté générale politique n’est pas impossible et peut être recherché. Par exemple, les groupes musicaux sont déjà des groupes où chacun improvise personnellement et participe à l’harmonie de l’ensemble.

5 – Conclusion – Résumé

La libération politique conciliant les intérêts de l’individu et de la communauté suppose d’abord l’effort de se libérer des limitations de certaines obligations sociales. Dans un second temps, elle implique le courage de la dissidence. Mais cette logique d’opposition ne suffit guère dans nos sociétés libérales sur le plan des mœurs et des opinions. On ne peut donc se libérer des tyrannies contemporaines qu’en impulsant un nouveau sens du dialogue démocratique inspiré de la volonté générale de Rousseau.

Serge Durand - professeur de philosophie au lycée Leonard De Vinci, académie de Versailles

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