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22/09/2011

Sur la liberté. Partie 1 sur 3

8cd-liberte-algerie.jpgLIBERTE METAPHYSIQUE- ETRE LIBRE EST-CE FAIRE CE QUE JE VEUX ?

1- Introduction problématique

Prisonnier du sens commun, on oppose la liberté de faire « ce que je veux » aux interdits moraux qui « m’empêchent de faire ce que je veux ». Il s’agit d’interroger les présupposés d’une telle opposition pour mieux comprendre la nature de la liberté que la volonté exprime. On peut constater que la volonté humaine n’est pas assez forte pour réaliser tous ses désirs. Tout d’abord, les désirs ne sont-ils pas divisés si bien que la volonté s’en trouve affaiblie ? La volonté d’être courageux par exemple ne s’oppose-t-elle pas toujours à un désir de sécurité ? Il convient alors de mettre en doute le présupposé selon lequel l’homme aurait la liberté de vouloir ce qu’il désire. Davantage de connaissances sont nécessaires pour se libérer des faiblesses de la volonté.

2- La liberté de dépasser la volonté infantile de réaliser tous ses désirs

Nous devons constater que notre volonté est aussi l’expression d’un phénomène physico-chimique. Biologiquement les désirs et les peurs ne sont pas les objets d’un choix volontaire et la volonté est la résultante de leurs mécanismes physiologiques inconscients. Il y a bien une volonté personnelle mais elle émerge aussi de mécanismes impersonnels. La plupart des personnes se croient libre de leur choix dans la mesure où il leur semble avoir déjà éliminé volontairement un désir aux dépens d’un autre. Mais ceci est illusoire car ce qui fait agir est toujours ce qui est le plus désiré. Les sentiments de sacrifice ou de peur lors d’un choix ne sont-ils pas l’effet d’une volonté infantile de réaliser tous ses désirs ? La réponse qui consiste à dire « être libre, c’est faire ce que je veux » revient presque toujours à nier « ce que je veux vraiment, c’est être libre ». Vouloir vraiment être libre consiste à cesser de vouloir réaliser tous ses désirs. Vouloir être libre veut donc dire connaître les mécanismes du désir à partir de notre désir d’être libre !

3- La connaissance libératrice est de vouloir l’action de la nature

Pourquoi vouloir être libre ? La connaissance rationnelle nous met devant le fait que les désirs, y compris nos préférences, ne sont que le produit de la société et plus profondément encore, de la nature. L’illusion est de se croire libre de préférer alors que les préférences sont le fruit des lois de la nature. Toutes les connaissances objectives disent que la nature est le seul auteur à travers ses lois physiques et biologiques. Avec Spinoza, notre idée de la liberté est fausse quand elle implique une conception de « l’homme dans la nature comme un empire dans un empire », c’est-à-dire une conception de l’homme qui se croit l’auteur de ses actes malgré son appartenance à la nature. La connaissance des mécanismes du désir lié à une préférence permet de ne plus y être soumis inconsciemment. Chaque préférence de la volonté affaiblit son action puisque préférer une option implique une forme de rejet des autres possibilités. La volonté de connaître est aussi un désir mais son objectivité la rend libre des désirs passionnels formés par nos préférences. L’individu dont les désirs se libèrent de la préférence sait de plus en plus consciemment que sa volonté individuelle représente l’action singulière qui exprime les lois de la nature.

4- De la connaissance libératrice à la liberté créatrice

L’idée de Spinoza selon laquelle la volonté exprime la nécessité des lois de la nature, pourrait justifier la relativisation de conduites immorales. Faut-il, au nom d’une responsabilité morale, postuler avec Kant l’idée de libre choix ? Mais n’est-ce pas revenir alors à une volonté prisonnière de la préférence même si elle est morale ? La volonté n’est pas simplement ce qui émerge d’un complexe physico-chimique. Un aspect de la volonté semble échapper complètement à la nécessité : celui qui génère de nouvelles formes d’action technique ou sociale. Il y a, pour Bergson, une participation de la volonté individuelle à un élan évolutif en dehors des déterminations matérielles ou de la simple reproduction d’une « morale close » sur ses préférences. La volonté individuelle peut devenir une expression de plus en plus consciente de l’élan créateur de l’univers.

5- Conclusion – Résumé

La liberté de la volonté a donc trois formes métaphysiques. Sous sa première forme, la volonté s’identifie aux désirs comme préférence, mais dans ce cas, elle est divisée et faible. Sous sa deuxième forme, la liberté de la volonté émerge comme volonté de connaissance rationnelle. La volonté se libère de ses préférences et peut se transformer en conscience du jeu nécessaire de la nature. Sous sa troisième forme, la liberté de la volonté n’est plus un choix, ni même une nécessité consciente mais un élan créateur universel qui s’individualise.

Citations :

Spinoza : « […] l’expérience et la raison sont d’accord pour établir que les hommes ne se croient libres qu’à cause qu’ils ont conscience de leurs actions et ne l’ont pas des causes qui les déterminent », Ethique.

Bergson : « Bref, la matière est inertie, géométrie, nécessité. Mais avec la vie apparaît le mouvement imprévisible et libre. L’être vivant choisit ou tend à choisir. », L’énergie spirituelle.

Serge Durand - professeur de philosophie au lycée Leonard De Vinci, académie de Versailles

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